Plus sûr et plus pratique, le virement instantané devient gratuit dès ce jeudi

Les virements classiques vont-ils bientôt disparaître ? La question se pose avec la gratuité du virement instantané qui s’applique à partir de ce jeudi 9 janvier. Le 26 février dernier, le Conseil de l’Union européenne avait en effet adopté le règlement du Parlement européen sur les virements instantanés en euros. Le texte prévoyait la fin des frais supplémentaires appliqués (en général 1 euro) par certains établissements bancaires sur les virements instantanés, dans le but de les rendre «plus accessibles». En France, ils deviennent donc obligatoirement gratuits, comme la plupart des transferts d’argent classiques réalisés en ligne ou depuis une application mobile. La plupart des banques l’ont cependant déjà mis en place dès le 1er janvier, en révisant les conditions tarifaires pour l’année à venir. 

L’objectif affiché par Bruxelles est de fluidifier les mouvements de capitaux dans les pays de la zone euro. Disponibles 24 heures sur 24 et 365 jours par an, ces transactions permettent de transférer des fonds d’un compte bancaire à l’autre en moins d’une minute, contre trois jours pour les virements SEPA classiques. En 2022, dans une séance de questions-réponses sur la promotion des virements instantanés, la Commission européenne faisait le bilan des avantages à attendre : «mieux gérer le budget» pour les ménages, «maîtriser leurs flux de trésorerie» pour les entreprises. Concrètement, le virement facilite le payement des factures de plusieurs milliers d’euros grâce à l’authentification mobile. Côté sécurité, la Banque de France estimait en 2022 que les fraudes au virement instantané sont six fois moins fréquentes que les fraudes sur les cartes bancaires et 10 fois moins que pour les chèques.

Une mise en place laborieuse

Cependant, «seul un virement en euros sur dix effectués dans l’UE est traité comme un paiement instantané. Cette proportion est encore plus faible lorsqu’il s’agit de virements transfrontières en euros, exécutés entre deux États membres», constatait la Commission européenne il y a deux ans. Cette dernière déplorait entre autres qu’«environ un tiers des prestataires de services de paiement de l’UE ne proposent toujours pas de services de paiement instantané». Et pour cause, Bruxelles soulignait la frilosité des prestataires de services de payement à investir dans la technologie nécessaire sans être sûr de pouvoir honorer la demande du client.  

En effet, «une transaction instantanée ne peut réussir que si le prestataire de services de paiement du payeur et celui du bénéficiaire utilisent tous les deux la technologie des paiements instantanés». Une frilosité des banques à laquelle venait s’ajouter celle des clients, réticents à payer des frais supplémentaires toujours de mise en 2024. En avril dernier, l’Observatoire des tarifs bancaires ne recensait que 14 établissements bancaires n’imposant pas de frais supplémentaires pour leurs clients (Boursorama Banque, La Banque Postale et BNP Paribas, par exemple). Face à cette situation, la Commission avait donc décidé de légiférer pour harmoniser le système de virement en euros. 

Étendre progressivement le système

Si les 20 pays de la zone euro sont tenus de s’y conformer à compter de ce jeudi 9 janvier, les 7 pays membres de l’UE qui n’utilisent pas la monnaie unique disposent d’un délai supplémentaire de deux ans pour ouvrir ce type de virement instantané en euros à leur clientèle sans contrepartie. À terme, tous les pays de la zone SEPA (Single Euro Payments Area, «Espace unique de paiement en euros») seront concernés. Elle englobe 36 pays européens, dont plusieurs États qui ne font pas partie de l’Union européenne : le Royaume-Uni, les pays de l’Association européenne de libre-échange (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse), le micro-État de Saint-Marin, ou encore les principautés de Monaco, et d’Andorre.

Plusieurs représentants du secteur bancaire européen se sont toutefois alarmés du défi technique que représente l’instantanéité des virements. D’après une enquête réalisée en mars 2024 par RedCompass Labs auprès de 200 banques européennes, 58% des sondés estiment que les délais imposés par Bruxelles sont trop courts. Le rapport estime à «1000 payements traités par seconde» la capacité minimum des banques pour pouvoir traiter ces transactions, alors que les banques européennes «visent entre 101 et 300 paiements par seconde d’ici à la fin de 2025», ce qui est loin d’être suffisant.