Jeux paralympiques : «S'arrêter sur une médaille d'or, c'est magnifique» songe Frédéric Villeroux

Au Stade Eiffel

Pouvez-vous nous raconter cette finale remportée aux tirs au but contre l'Argentine (1-1, 3 tab. à 2) ?
Frédéric Villeroux : Déjà, il y a ce premier but, que je marque du pied gauche. C'est rare (sourire). C'était un moment important et je pensais qu’on allait prendre le dessus et en fin de compte non, les Argentins nous ont montré qu'il était possible de marquer un but en dix secondes au cécifoot. L'entraîneur nous avait prévenus pourtant, mais parfois, malheureusement, cela ne suffit pas…

Ensuite il y a cette séance de tirs au but, avec le vôtre, le dernier, victorieux…
Oui. Les tirs au but, ce n'est pas quelque chose que j'aime faire. Pourtant, je le travaille à l'entraînement mais je suis plus à l'aise balle au pied, en conduite. Dans ma tête, j'avais deux options : soit faire un coup de pied, soit un pointu. J'ai décidé de partir sur la valeur la plus sûre, sans être serein. Le coach m'avait dit que j'étais capitaine et que c'était à moi de tirer ce troisième penalty. Je lui ai répondu que je ne voulais pas mais bon, je n'ai pas eu le choix. Quand on est capitaine, il faut savoir prendre ses responsabilités. À contrecœur j'y suis allé et on a marqué (sourire).

Cela a-t-il une saveur particulière de battre l'Argentine ?
Oui, car ils sont champions du monde de cécifoot et en plus ils ont battu l'équipe valide en 2022 en finale de la Coupe du monde, donc il y avait une revanche à prendre. On l'a fait. Même si j'aurais préféré que ce soit dans le temps réglementaire et non pas aux penalties, cela aurait été plus joli en marquant des buts dans le jeu mais bon, on l'a fait aux tirs au but avec un trois sur trois, ce qui est génial. Une finale, on le sait, cela se gagne. On a su garder la tête froide.

Mesurez-vous ce qu'il s'est passé pour le cécifoot cette semaine ?
Je commence à le ressentir. Le cécifoot est mis en lumière grâce aux médias. Je me souviens qu'avant Tokyo il y a trois ans, nous avions eu deux demandes d'interviews à l'arrache. Il n'y avait aucun enthousiasme, aucun intérêt pour nous. Alors certes, c'était à Tokyo, mais il faut s'intéresser davantage au cécifoot, venir voir le championnat de France, la Coupe de France… Il faut donner envie aux gens et cela nous permettra d'être plus proche du public. Il faut communiquer sur tous les parasports, même quand ce ne sont pas les Jeux olympiques. Il y a des personnes qui sont chez elles, en situation de handicap, et qui ne connaissent pas le cécifoot par exemple. Moi, je l'ai découvert par le bouche-à-oreille. Je n'en avais jamais entendu dans les médias avant. Et donc là, je vous remercie d'avoir parlé de notre discipline, et des parasports en général.

Je pense que sans ce soutien, nous n'aurions pas eu ces résultats et je crois que nous ne serions même pas sortis des poules.

Frédéric Villeroux

Le public vous a énormément soutenu durant tout le tournoi…
Oui, cela a été incroyable. On en parlait tous les jours. Même quand on a perdu contre le Brésil (0-3), on en avait parlé. Je pense que sans ce soutien, nous n'aurions pas eu ces résultats et je crois que nous ne serions même pas sortis des poules. Les autres pays sont professionnels, et nous sommes des amateurs. Il faut en tenir compte. C'est un exploit. Nous avons écrit l'histoire et maintenant, il faut réussir à se servir de cela pour développer notre sport. En 2012 (quand ils avaient atteint et perdu la finale aux Jeux paralympiques de Londres), nous n'avions pas su se servir de cette médaille. Nous avons fait de grandes erreurs. Mais aujourd'hui, cette médaille d'or doit nous permettre de développer notre sport.

Avez-vous conscience que vous allez jouer un grand rôle là-dedans ?
Oui, en tant qu'ambassadeur, je vais prendre ce rôle mais en tant que joueur, je vais en discuter avec ma femme. Là, mon corps me dit stop. Il y a des moments où il faut être lucide… S'arrêter sur une médaille d'or, c'est magnifique. Los Angeles me semble loin, loin, loin.

Avez-vous eu des messages de félicitations du monde du football ?
Oui, j'ai eu des contacts d'anciens joueurs professionnels et ce soir, après la finale, Lilian Thuram est venu nous féliciter dans le vestiaire. Il y a aussi Tony Estanguet qui est venu, ainsi que d'autres sportifs paralympiques. Plein de personnes nous remercient, mais il ne faut pas le faire uniquement quand il y a des médailles. Et j'invite tout déficient visuel, toute personne en situation de handicap à faire du sport. C'est quelque chose qui te bâtit, qui te crée, qui t'ancre dans la vie de tous les jours.