Rentrée 2025: peut-on vraiment miser sur les professeurs remplaçants pour occuper des postes vacants ?

Rentrée 2025: peut-on vraiment miser sur les professeurs remplaçants pour occuper des postes vacants ?

Les absences d’enseignants non remplacées auraient coûté 5,42 milliards d’euros en 2022. Fokasu Art - stock.adobe.com

DÉCRYPTAGE - La ministre de l’Éducation Élisabeth Borne a demandé aux rectorats de miser davantage sur les remplaçants pour avoir un professeur devant chaque classe cette année. Mais à première vue, cette piste ne saurait pallier le manque de professeurs titulaires.

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Miser davantage sur les remplaçants, pour pallier le manque de «l’équivalent de 2500 enseignants». Voilà l’ambition exprimée en ce jour de rentrée scolaire 2025 par Élisabeth Borne. «J’ai demandé aux rectorats de renforcer les équipes de remplaçants pour qu’on ait non seulement un professeur à la rentrée, mais que tout au long de l’année, il puisse y avoir un professeur devant chaque classe», a détaillé la ministre de l’Éducation nationale au micro de RTL.

La réponse ne manque pas d’habileté. Interrogée sur le nombre de postes vacants (plus de 2600 à l’issue des concours de recrutement de 2025, selon des données compilées par l’Afp à partir des résultats d’admission publiés sur la plateforme officielle Cyclades), Élisabeth Borne fait glisser la conversation sur le recours aux professeurs remplaçants. Sauf que les remplaçants, par définition, suppléent les professeurs absents, le plus souvent pour congé maladie. Mais ils ne sont pas recrutés, comme parfois les contractuels, pour occuper des postes qui n’auraient pas trouvé preneur.

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Pas de lien direct, donc, entre les quelque 2600 enseignants manquants et les remplaçants, contrairement à ce que pourrait laisser croire la réponse de la ministre. Pour autant, les remplacements sont un sujet majeur pour la rue de Grenelle. De fait, le nombre d’absences non remplacées a augmenté de 49 % dans le premier degré et de 93,2 % dans le second degré entre 2018 et 2024, selon un rapport du Sénat publié le mois dernier - «Des enseignants de plus en plus irremplaçables, une politique à revoir», par Olivier Paccaud (LR).

+ 17,4% d’absences dans le premier degré entre 2018 et 2024

Une situation qui génère une réelle carence dans l’enseignement : une classe perd en moyenne 4,3 % de temps scolaire en raison de ces absences. Un chiffre qui s’élève à 7,4 % dans le second degré. Sans compter le coût pour le contribuable : celui-ci est estimé à 5,42 milliards d’euros en 2022, en hausse de 35 % en 5 ans. On comprend donc la volonté de la ministre de les résorber.

Reste à savoir comment. Les contractuels - ces enseignants recrutés pour une durée déterminée et ne sont pas titulaires d’un concours - représentent déjà une part importante et croissante du vivier des remplaçants. Ils représentaient en 2023-2024 pas moins de 17 % d’entre eux dans le premier degré et 46 % dans le second degré. S’appuyer sur davantage de remplaçants participerait de la tendance de l’Éducation nationale à recruter de plus en plus de professeurs qui ne sont pas passés par la case concours.

Par ailleurs, selon le rapport du Sénat, c’est la hausse des absences (+ 17,4% dans le premier degré et + 15,6% dans le second degré sur la même période) qui est la cause principale de l’accroissement des heures non remplacées. Des chiffres éloquents, mais à mettre en perspective, pour ne pas tomber dans la stigmatisation, parfois facile, du corps enseignant. À titre de comparaison, le taux moyen d’absence des enseignants reste en effet moins élevé de 13% que celui des salariés du secteur privé.

Par ailleurs, ces absences sont très largement liées aux congés maladies (plus de 40% des cas dans le premier degré, plus de 60% des cas dans le second degré). Le plan de réduction du déficit du gouvernement Bayrou prévoyait de mettre fin aux «dérives» des arrêts de travail, souvent liés aux abus de congés maladie. Mais ce plan pourrait bien disparaître avec la chute possible du premier ministre le 8 septembre prochain.

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«De plus en plus de familles vont se tourner vers le privé»

«De moins en moins de gens veulent être enseignants, principalement parce que c’est très mal payé, souligne Olivier Peccaud, l’auteur du rapport du Sénat. Raison pour laquelle je préconise avant toute chose une revalorisation de toutes les carrières pour les enseignants.» Une exigence qui, le sénateur le sait, a peu de chances de voir le jour à court terme dans un contexte budgétaire serré.

Par ailleurs, dans le second degré, plus de 94% des absences de longue durée (plus de 15 jours) sont remplacées, contre seulement 10% des absences de courte durée (moins de 15 jours). Le rapport préconise donc «d’augmenter le service obligatoire des enseignants d’une heure supplémentaire par mois, qui serait dédiée au remplacement de courte durée».

«Si on ne fait rien, de plus en plus de familles vont se tourner vers le privé, souligne le sénateur. C’est déjà l’une des causes principales des départs du public.» Pour revaloriser la fonction de «remplaçant», Olivier Peccaud suggère également d’attribuer aux enseignants concernés un bonus dans le barème utilisé par les académies lors du traitement des demandes de mutation. Une mesure qui, en plus d’être potentiellement efficace, est parfaitement gratuite.