Conjuguer performance et impact, une nouvelle vision de l’investissement

Contenu conçu et proposé par 14H, en collaboration avec Lombard Odier. La rédaction du Figaro n’a pas participé à la réalisation de cet article.

Dans un monde marqué par l’urgence climatique et la fragmentation géopolitique, Marie Ekeland et Edouard de Saint Pierre défendent une autre vision de la finance.
Fondatrice du fonds evergreen 2050, Marie Ekeland investit dans des entreprises de rupture qui réinventent les modèles économiques à long terme. À ses côtés, Edouard de Saint Pierre, Directeur général France de Lombard Odier, œuvre à ancrer la finance dans des trajectoires de transition durables et mesurables. Tous deux plaident pour une finance pragmatique et solidement ancrée dans la réalité, capable d’orienter les capitaux vers des solutions durables, ambitieuses et stratégiques.

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1) Pouvez-vous nous présenter 2050, le fonds que vous avez lancé il y a cinq ans ?

Marie Ekeland : J’ai créé 2050 avec une conviction forte : la technologie doit être mise au service des grands enjeux planétaires, et pour cela, il faut repenser en profondeur nos modèles d’investissement. 2050 est un fonds evergreen, ce qui signifie que nous ne sommes pas contraints par des horizons de sortie fixes. Cela nous permet d’accompagner les entreprises dans la durée, en phase avec les transformations structurelles qu’elles portent.

Nous voulons démontrer qu’une autre manière d’investir est possible, plus en lien avec le temps long, les réalités du terrain et l’impact réel. Aujourd’hui, nous gérons plus de EUR 135 millions[GP1] et avons investi dans douze entreprises, parmi lesquelles le spécialiste français de la santé connectée Withings, Sweep, la plateforme qui permet aux entreprises de piloter leurs données carbone et ESG, Fifteen la société spécialisée dans les vélos en libre-service ou encore Tilli, la start-up de réparation de vêtements. Toutes partagent cette ambition de réinventer des modèles plus durables, ancrés dans l’innovation utile. Notre objectif est aussi de redéfinir la performance. Pas seulement en termes de rentabilité financière, mais aussi d’impact environnemental, d’accompagnement des entrepreneurs et de dialogue avec le monde de la recherche.

2) Et la finance dans tout ça ? Peut-elle vraiment accompagner, voire accélérer, cette transformation à long terme ?

Edouard de Saint Pierre : 2050 est un modèle assez unique, et il illustre parfaitement cette nécessité d’allier performance financière et impact. C’est une évolution majeure dans la manière d’envisager l’investissement, et cela se reflète aussi dans les outils de mesure que nous développons.

Chez Lombard Odier, nous avons mis au point plusieurs outils, comme la mesure de la hausse implicite de la température, baptisé ITR (Implied Temperature Rise) ou encore le référentiel LOPTA (Lombard Odier Portfolio Temperature Alignment). Il permet d’évaluer dans quelle mesure un portefeuille est aligné avec les objectifs de transition climatique, en projetant son impact sur le réchauffement global.

Ce qui nous intéresse, ce n’est pas seulement la photographie d’une entreprise à un instant T, mais sa trajectoire et sa dynamique de transformation. Autrement dit, il ne s’agit pas uniquement de constater où elle en est aujourd’hui, mais d’évaluer sa capacité à évoluer dans le bon sens sur le temps long, ce qui est, là encore, une manière de repenser la performance.

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En amont, il est intéressant de noter que l’investisseur familial est un acteur qui prend de plus en plus d’importance dans le financement des enjeux de la transition environnementale. C’est en effet une catégorie d’investisseurs qui peut se permettre le temps long et qui est de plus en plus en quête de sens.

3) Quelles sont les principales tendances que vous observez dans l’impact aujourd’hui ?

Marie Ekeland : L’urgence environnementale domine aujourd’hui toutes les priorités. Le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la montée des eaux : autant de signaux critiques qui appellent des réponses concrètes. Mais cette urgence est indissociable d’une dimension sociale : les écosystèmes en crise soutiennent souvent des économies locales entières.

L’exemple de Coral Vita incarne cette approche globale. L’entreprise, pionnière dans la restauration des récifs coralliens, a mis au point des fermes terrestres innovantes permettant de faire pousser des coraux jusqu’à 50 fois plus vite qu’en mer. Ces coraux sont ensuite réimplantés pour restaurer des récifs endommagés, véritables piliers de la biodiversité marine. Les récifs restaurés permettent de préserver la vie sous-marine, donc les pêcheries locales, essentielles pour la sécurité alimentaire. Ils forment aussi une barrière naturelle contre les aléas climatiques, protégeant les infrastructures portuaires et côtières. L’action de Coral Vita est donc profondément bénéfique au niveau local, à la fois sur les plans écologique, économique et social.

4) Face aux bouleversements géopolitiques que nous traversons, comment la finance peut-elle continuer à jouer un rôle moteur dans la transition environnementale ?

Edouard de Saint Pierre : Il faut le reconnaître : dans le contexte actuel, maintenir la priorité sur les enjeux climatiques est un exercice exigeant. Entre incertitude géopolitique, fragmentation du monde et les tensions sur les marchés, la tentation est grande de reléguer la transition environnementale au second plan. Pourtant, c’est précisément dans ces périodes de turbulence que nous devons renforcer nos convictions et investir dans les solutions de long terme.

L’exemple de Calyxia en est l’illustration parfaite. Cette deeptech française développe des microcapsules biodégradables pour remplacer les microplastiques omniprésents dans des secteurs comme les cosmétiques, l’agriculture ou les matériaux avancés. Elle a déjà inauguré une première usine en 2023 et prévoit une seconde en Île-de-France, avec 3 000 tonnes de capacité annuelle. Calyxia incarne le type d’innovation que nous devons soutenir : une solution scientifique, à impact environnemental mesurable, économiquement viable, et capable de transformer des systèmes industriels entiers.

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5) Quelle devra être selon vous la qualité majeure de l’entrepreneur de demain ?

Marie Ekeland : Ce qui distingue l’entrepreneur de demain, c’est sa capacité à définir un cap clair et aligné avec ses convictions profondes. Il ne s’agit plus seulement de piloter une entreprise, mais de le faire en cohérence avec une mission à long terme, à la fois personnelle et portée par la structure. À partir de cette boussole, une autre qualité devient essentielle : la lucidité. Il faut savoir identifier sans complaisance les tensions qui traversent l’entreprise, qu’il s’agisse de défis classiques comme les arbitrages entre impact et rentabilité ou de pressions systémiques plus vastes : instabilité géopolitique, concurrence technologique, enjeux climatiques. Naviguer entre court terme et vision long terme, tout en tenant compte des attentes des parties prenantes, c’est précisément cette exigence qui façonnera les leaders économiques de demain.

Edouard de Saint Pierre : Oui, et je suis convaincu que le rôle d’une maison comme la nôtre est précisément de créer des passerelles entre les écosystèmes. La grande faiblesse actuelle, c’est que ces acteurs ne se parlent pas, ou trop peu. Entreprises familiales, entreprises B corp, structures à mission, start-up de la tech : chacun avance dans son couloir, alors que la solution viendra de tous ces écosystèmes.

Les réponses aux grands défis viendront nécessairement de la convergence de ces mondes. Dans ce contexte, notre rôle est clair : créer des passerelles. Faire dialoguer ces univers autour des enjeux d’investissement, de transformation et de vision à long terme.