Le Festival de Cannes affiche clairement son soutien à l’Ukraine

En ce mardi matin 13 mai, la Croisette est encore calme. L’entrée du Palais des festivals est fluide, festivaliers, habitants et touristes sont détendus. Avant la première montée des marches, ce soir, de l’équipe de Partir un jour qui ouvrira la 78édition, le festival propose un cycle de trois films sur l’Ukraine. Ce « jour de l’Ukraine », avec France Télévisions, Brut et la mairie de Cannes, consiste à programmer un portrait du président Volodymyr Zelensky, un reportage sur le front, filmé entre février et avril 2025, par Bernard-Henri Lévy, et une immersion dans un peloton de l’armée par un documentariste ukrainien.

Rendez-vous est pris à 10 heures salle Buñuel pour le premier. Une festivalière arrive tout juste à l’heure, en nage, après s’être égarée dans les nombreux escaliers du Palais des festivals. « Tout ça pour Zelensky que je déteste », marmonne-t-elle. La projection tarde à commencer. Et pour cause, on attend Thierry Frémaux. Le délégué général du festival s’excuse de son retard et de ne pas pouvoir dire bonjour en ukrainien. D’autant que des Ukrainiens sont dans la salle, à moitié vide.

Bien que débordé, Frémaux a tenu à expliquer ce choix de mettre l’Ukraine en haut de l’affiche avant même le début du marathon. « De manière naturelle, le festival est connecté à cette guerre. Quand Zelensky est intervenu en 2022, son discours était plein d’illusions », lance le délégué général. On se souvient de l’intervention en duplex de Kiev, le 17 mai 2022, qui avait marqué l’ouverture de la 75e édition. Le président ukrainien avait alors longuement évoqué Le Dictateur, de Charlie Chaplin, et énuméré les massacres à Boutcha ou Marioupol. Sa tristesse et son ton calme avaient figé la salle et imposé le recueillement.

« Nous ne sommes pas seuls »

Pour présenter le portrait de Zelensky réalisé par Yves Jeuland, Lisa Vapné et Ariane Chemin, l’ambassadeur d’Ukraine à Paris était présent. « Il faut avoir du courage pour filmer pendant la guerre. Mais c’est important pour les Ukrainiens, car ça montre que nous ne sommes pas seuls et ça rappelle au monde que l’Ukraine existe et continue à se battre contre le fascisme », déclare-t-il d’une voix paisible. Thierry Frémaux reprend le micro : « Ça va vous plaire, car ce film est plus universel qu’on ne le pense », affirme-t-il.

De fait le portrait de Zelensky fait intervenir ses amis d’enfance, sa tante, ses institutrices et montre un homme avec un charisme de leader depuis toujours. Et surtout une trajectoire hors norme, de sa naissance à Kryvyï Rig, ville industrielle du sud-est du pays à ses prestations dans des concours de danse puis son succès comme humoriste et enfin comme acteur dans la série Serviteur du peuple. Ce dernier lui ayant servi de tremplin pour se présenter à la présidentielle et la remporter avec 73 % des suffrages.

Une belle entrée en matière, sachant que la compétition a aussi fait une place à l’Ukraine avec le cinéaste Sergei Loznitsa qui présente Deux procureurs, un film sur les purges staliniennes qui promet de faire écho à l’actualité. Et la Quinzaine des cinéastes a mis dans sa sélection Militantropos, un documentaire qui dépeint les vies transformées par la guerre russo-ukrainienne à travers ceux qui perdent tout.

À la sortie de Zelensky, la salle applaudit d’une seule voix. La festivalière venue à contrecœur et qui a passé toute la séance blottie sous un châle sort ses mains pour manifester aussi son enthousiasme. Ou comment le destin d’un homme peut renverser une opinion.