Derrière les murs épais de la maison centrale d’Ensisheim (Haut-Rhin), une nouvelle affaire judiciaire vient frapper à la porte de Nordahl Lelandais. Ce vendredi 19 septembre, l’ex-maître-chien, condamné à la perpétuité pour l’assassinat de Maëlys et à vingt ans pour le meurtre d’Arthur Noyer, comparaîtra en renvoi devant le tribunal correctionnel de Colmar. Cette fois, il lui est reproché d’avoir commis une agression sur la mère de son enfant, lors d’un parloir pénitentiaire en juin dernier, sous le regard de leur fils d’un an et demi.
Sa présence à l’audience, arrachée à l’issue d’un refus initial prétextant la « pression médiatique » le 28 août dernier, est désormais inévitable. S’il refuse à nouveau de comparaître, un mandat d’amener - autorisant la force publique à l’amener, même contre sa volonté, devant le juge - pourra être mis à exécution dans la foulée. Le parquet vise la récidive légale : celui qui a adopté le nom de jeune fille de sa mère, Périnet, encourt dix années d’incarcération supplémentaires.
Passer la publicitéSa conjointe conteste les faits
Dans ces histoires où la fascination pour l’interdit côtoie la banalisation du crime, difficile de déceler la vérité. Ici, la mère de l’enfant n’a pas porté plainte et nie en bloc l’existence des faits. Une version qui devra confronter ce vendredi les enregistrements des caméras de surveillance où l’on apercevrait Nordahl Lelandais saisir brusquement sa compagne en lui mettant fermement la main sur la bouche, selon le Parisien. La scène de plusieurs minutes s’était déroulée non loin des surveillants pénitentiaires, qui sont intervenus rapidement après avoir été alertés par des éclats de voix. Face à la défense du multirécidiviste savoyard, c’est l’association Themis, incarnée par son avocat Thibault Mai, qui joue la partie civile au nom du fils du couple.
Ces derniers ont bénéficié du dispositif légal permettant des rencontres au sein d’unités de vie familiale destinées à entretenir des liens avec un conjoint, des enfants. C’est dans ce contexte que le leur fils est né en décembre 2023 au sein même des murs de la maison centrale.
La compagne de Nordahl Lelandais fait partie de cette longue liste de femmes de criminels. Des relations, que les psychologues associent au « syndrome de l’infirmière », ce besoin impérieux d’accomplir auprès d’autrui une mission de secours, parfois jusqu’au déni. Avec cette femme, Nordahl Lelandais a entretenu « plus qu’une simple amourette » , affirmait en janvier 2024 une source bien informée au Figaro .
Un renvoi sans « pressions médiatiques » ?
Déjà en août, la non-comparution de Nordahl Lelandais trahissait la crainte généralisée suscitée par la présence, dans la salle, d’observateurs extérieurs et de journalistes : « Il ne veut pas se soustraire à cette audience, il veut s’exprimer devant les juges, mais uniquement devant les juges », avait défendu son avocat, Paul Feutz lors de la première procédure.
Mais pour Bernard Boulloud, avocat de la famille Noyer, la posture de Nordahl Lelandais est loin d’être innocente : « Il savait très bien que ce procès serait médiatisé. Changer de nom, pour lui, c’est déjà une manière de tenter de se faire oublier. C’est peut-être aussi pour ça qu’il ne veut plus voir son nom dans les médias. C’est encore une forme de manipulation à mes yeux : il veut sortir un jour sous un autre nom, espérant que personne ne se souviendra. C’est révélateur de sa façon d’agir : tout est calculé, jusque dans la gestion de la pression médiatique. Mais on n’oubliera jamais Lelandais. »
Passer la publicitéDe son côté, Fabien Rajon, avocat de la famille de Maëlys pense « qu’on peut s’attendre à un déni total et une minimisation des faits ce vendredi » avant de nuancer : « tout reste possible en audience et il a d’ailleurs pu changer d’attitude au fil des procédures. »
Ce vendredi 19 septembre, l’audience devrait « visiblement se tenir à huis clos », selon le Parquet de Colmar qui notifie tout de même que « c’est le tribunal qui prendra cette décision au moment de l’audience. » Car de l’autre côté, la partie civile insiste aussi pour un jugement aux portes fermées afin de préserver l’anonymat de l’enfant et de la mère. Les avocats de la défense et de la partie civile n’ont pas répondu à nos multiples sollicitations.
L’ombre persistante des affaires non élucidées
Si ce dossier de violences conjugales, similaire à tant d’autres jugés en France chaque année, retient une attention particulière, c’est que Nordahl Lelandais demeure pour la justice une figure à part. Inlassablement, le public échoue à séparer cette procédure correctionnelle des crimes d’hier. Son nom parcourt les cold cases. « On a des dossiers où instinctivement on se demande : est-ce que ça peut coller ? La justice continue de travailler et il ne faut pas croire que Nordahl Lelandais est oublié. Il y en a eu plusieurs des histoires résolues des années plus tard », assure Bernard Boulloud.
Cet ancien militaire n’est pas juridiquement un « serial killer » : ce qualificatif ne pouvant s’appliquer qu’au meurtre d’au moins trois victimes. Ce procès remet la lumière sur une personnalité « difficilement récupérable et qui dispose d’une certaine intelligence pratique et criminelle », dont chaque passage devant la justice relance le débat sur la part d’ombre laissée dans les interstices du dossier.