Rugby : le carton rouge de 20 minutes, la fausse bonne idée
Au goût de la grande instance mondiale World Rugby, le ballon ovale n’est pas suffisamment difficile à comprendre. Le 8 octobre dernier, l’organisme a publié un communiqué pour détailler plusieurs expérimentations qu’il souhaite mettre en place sur le plan international. Parmi ces dernières, une nouvelle règle a sauté aux yeux des amateurs de rugby : le carton rouge de 20 minutes.
Déjà testée lors de la Coupe du monde des moins de 20 ans en juillet 2024, cette règle a vocation à être insaturée lors de toutes les compétitions internationales et sera définitivement approuvée, ou non, le 14 novembre prochain lors d’un vote. Elle sera d’ailleurs testée lors de la tournée de novembre et, donc, lors des matches du XV de France face au Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Argentine. Histoire de compliquer encore un peu plus un sport bien difficile à expliquer…
Le joueur exclu est remplacé au bout de vingt minutes par un coéquipier
Concrètement, à quoi servirait cette règle ? Un joueur écopant d’un carton rouge pourrait être remplacé au bout de 20 minutes par l’un de ses coéquipiers. L’exclusion définitive ne serait donc plus d’actualité. Et le but recherché, alors ? Réduire l’impact d’un carton rouge afin de favoriser l’intérêt des rencontres. Ridicule ? Oui. Les instances du rugby français se sont d’ailleurs liées contre la mise en place de cette énième expérimentation. La Fédération française de rugby, la Ligue Nationale de rugby et Provale, le syndicat des joueurs, ont publié un communiqué pour s’opposer «fermement à la mise en place du carton rouge de 20 minutes proposée par World Rugby».
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L’ancien arbitre anglais Wayne Barnes a, lui, été le seul à trouver un avantage à cette règle, estimant que cette dernière permettait une protection des acteurs. «Celle des joueurs car Sam Cane (le troisième-ligne All Black sanctionné d’un carton rouge lors de la dernière finale de Coupe du monde, NDLR) a immédiatement dit qu’il devrait vivre avec ce carton rouge toute sa vie. Celle des arbitres aussi car si on est tous d’accord pour dire qu’il est difficile de tomber d’accord sur une décision, autant essayer d’en réduire l’impact pour l’équipe concernée», analysait Barnes dans un entretien accordé au Telegraph. Avant de conclure : «Cela réduira aussi l’impact des abus sur les réseaux sociaux contre les arbitres».
Oui, mais. Comme le pointent les instances rugbystiques françaises mais aussi la Fédération irlandaise, le principal problème vient de la sécurité des joueurs. Avec ce carton rouge qui n’en est plus un, les gestes dangereux ne seront plus sanctionnés comme ils devraient l’être. Concrètement, un joueur marchant volontairement sur le visage d’un adversaire pourrait être remplacé au bout de 20 minutes. L’exemple est un brin exagéré mais permet de comprendre l’idée.
« Cette règle marquerait un retour en arrière inacceptable sur les mesures mises en place depuis plusieurs années pour réduire les chocs à la tête et encourager les joueurs et les joueuses à une plus grande maîtrise technique dans le contact. »
Communiqué commun FFR, LNR et Provale.
«Cette règle marquerait un retour en arrière inacceptable sur les mesures mises en place depuis plusieurs années pour réduire les chocs à la tête et encourager les joueurs et les joueuses à une plus grande maîtrise technique dans le contact. Sa mise en œuvre pourrait encourager un jeu plus agressif ou créer des controverses liées à l’exploitation tactique de la règle, impactant aussi négativement l’image du rugby», plaident la LNR, Provale et la FFR. Imaginez également qu’Antoine Dupont, joueur clé du Stade Toulousain et du XV de France, soit ciblé par les défenseurs dans le seul but de «l’éliminer» pour se faciliter la tâche…
Avec cette expérimentation, les dirigeants du rugby mondial n’aideront pas à la promotion du rugby. Ils n’assureront plus la sécurité des joueurs. Les premiers matches de la tournée de novembre devraient peser dans la balance avant la décision finale d’accepter ou non cette nouvelle règle farfelue.