Amar Lagha, un militant en butte aux plans de Metro

Amar Lagha n’est pas du genre à baisser les yeux. Quand, fin 2023, une syndiquée de l’enseigne Metro de Nanterre (Hauts-de-Seine) est agressée physiquement par un supérieur, le secrétaire général de la fédération CGT commerce et services organise la riposte. « La camarade ne portait pas ses chaussures de sécurité et son manager l’a humiliée en lui marchant violemment dessus, insiste le syndicaliste. Avant de pouvoir porter plainte, elle a dû faire la tournée des commissariats, car on lui conseillait de déposer une simple main courante sur Internet. Et c’est moi qui suis convoqué… »

Le rassemblement de soutien à la salariée de Metro, le 15 décembre 2023, s’est soldé par le dépôt d’une plainte… contre Amar Lagha. « Ce jour-là, ils ont mobilisé une soixantaine d’agents de sécurité contre une centaine de militants. C’était déraisonnable, soutient le dirigeant syndical. Selon le policier, la plainte se fonde sur le fait que je me serais approché trop près d’un manager et que ma main aurait frôlé son visage. »

Accusation de répression antisyndicale

La convocation pour une audition libre, ce mercredi, stipule d’ailleurs qu’Amar Lagha est « soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction suivante : violence volontaire n’ayant entraîné aucune incapacité de travail ». Mais pour le cégétiste, la raison de son audition est ailleurs. « On cherche à intimider tous les syndiqués pour éliminer la CGT de Metro, explique-t-il. Le jour où j’ai reçu ma convocation, un délégué du personnel de Bourg-en-Bresse a été convoqué pour un entretien préalable à licenciement, accompagné d’une mise à pied conservatoire. »

Selon le dirigeant syndical, le grossiste alimentaire Metro s’est spécialisé dans la répression antisyndicale : « Dès que la CGT désigne un délégué syndical, ce dernier est convoqué. Nous avons une vingtaine de cégétistes qui sont sous le coup d’une procédure. L’un d’entre eux a subi dix procédures de licenciement, avant de craquer et de quitter l’entreprise. » Une stratégie, selon Amar Lagha, qui vise à « empêcher l’implantation de la CGT dans l’enseigne ». « À cette répression s’ajoute l’hostilité de sa clientèle, composée essentiellement de patrons de restaurant loin de nous être favorables. Les actions et tractages sont rendus compliqués. Mais nous sommes déterminés », assure-t-il.

Contacté, le service presse de Metro assure « respecter scrupuleusement l’exercice du droit syndical », tout en démentant l’ensemble des accusations portées par le représentant CGT. Et explique que le 15 décembre 2023, « l’un de (ses) collaborateurs a reçu une gifle et a décidé d’exercer son droit de porter plainte pour coups et blessures ».

« J’ai appris avec la CGT ce que veut dire le mot ”camarade” »

L’engagement syndical d’Amar Lagha a des racines profondes. Au milieu de la décennie 1990, la ville de Lyon décide de privatiser sa régie qui livre les cantines scolaires. « Sodexo a remporté l’appel d’offres et cherchait un responsable logistique. Moi, j’étais intérimaire pour un concurrent. Mais Sodexo était une marque internationale. J’ai accepté leur offre, d’autant que je venais de me marier. »

Très vite, l’attention d’Amar Lagha est happée par les mauvaises conditions de travail : « Avec mes livreurs, nous étions en bout de circuit pour alimenter les écoles, donc responsables si les enfants n’avaient pas à manger. Mes chauffeurs étaient cassés : mal de dos, lumbagos… L’un d’entre eux s’est fracturé le genou à cause d’une chute dans les escaliers. » Alors que deux de ces agents étaient reconnus accidentés du travail, Amar Lagha interpelle la direction pour éviter qu’un drame ne survienne. « ”Vous êtes payés pour ça”, m’a-t-on rétorqué », s’indigne-t-il encore.


Une grève se lance. « On ne savait pas comment s’organiser. Le seul syndicat, Force ouvrière, ne voulait pas nous soutenir. Un camarade a appelé un syndiqué de la ville de Lyon. L’union locale CGT était à 500 mètres de la cuisine centrale de Perrache. Le directeur m’a rétorqué : ”Tout sauf la CGT, monsieur Lagha.” Je m’en souviendrai toute ma vie. » Le jeune responsable logistique est alors désigné unanimement délégué syndical par les grévistes.

Dix-sept jours de mobilisation plus tard, la victoire est totale. « Bernard Thibault est venu nous soutenir. Jacques Auffeves, de l’union locale, nous a permis de tenir grâce à la caisse de solidarité qu’il a montée. La CGT m’a apporté cet état d’esprit de solidarité. J’ai appris ce que veut dire le mot ”camarade” », mesure Amar Lagha.

Le syndicat Sodexo restauration collective, né de cette grève, devient rapidement représentatif nationalement. Et, en 2007, parvient à fusionner les trois branches de Sodexo (éducation, entreprises, médico-sociaux) en un seul accord d’entreprise. « Aujourd’hui, Metro a peur de cette recette gagnante : que la CGT s’implante, et par, le rapport de force, obtienne des avancées pour les salariés », conclut le dirigeant.

Aux côtés de celles et ceux qui luttent !

L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.

  • En exposant la violence patronale.
  • En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
  • En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.

Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !
Je veux en savoir plus.