En Chine, une militante #MeToo condamnée à cinq ans de prison
La sentence est tombée. Une journaliste chinoise qui avait tenté de lancer le mouvement #MeToo dans son pays a été condamnée, vendredi 14 juin, à cinq ans de prison pour "incitation à la subversion de l'État", a annoncé le collectif qui la soutient.
La journaliste Sophia Huang Xueqin était poursuivie à Canton (sud) en même temps que le militant syndical Wang Jianbing, qui a, lui, écopé de trois ans et six mois de prison pour le même motif, selon le collectif.
Sophia Huang Xueqin avait décrit sur les réseaux sociaux son expérience de harcèlement sexuel quand elle était jeune journaliste dans une agence de presse chinoise, à la suite du mouvement #MeToo.
Les deux sont en détention depuis 2021. Sophia Huang Xueqin a annoncé son intention de faire appel, Wang Jianbing ne s'est pas encore prononcé, a précisé le collectif sur le réseau social X.
Dans un communiqué, l'organisation de défense des droits Amnesty International a dénoncé des "condamnations malveillantes et totalement infondées". "Demain, cela fera exactement 1 000 jours que Sophia Huang Xueqin et Wang Jianbing ont été arrêtés", a réagi dans un communiqué Sarah Brooks, directrice pour la Chine de l'organisation.
"Répression croissante de la part de l'État"
"Ces condamnations prolongeront leur détention profondément injuste et auront un effet dissuasif supplémentaire sur les droits humains et la défense sociale, dans un pays où les militants sont confrontés à une répression croissante de la part de l'État", a-t-elle ajouté.
"L'activisme #MeToo a donné du pouvoir aux rescapées de violences sexuelles dans le monde entier, mais ici, les autorités chinoises ont cherché à faire exactement le contraire en l'éliminant", a-t-elle encore commenté, appelant à la libération "immédiate et sans condition" des deux condamnés.
Une censure très réactive sur internet et les nombreux obstacles légaux auxquels se heurtent les plaignantes ont considérablement freiné le mouvement #MeToo en Chine, qui demeure un pays profondément patriarcal.
Un cas emblématique avait été celui de Peng Shuai, ancienne N.1 mondiale de tennis en double et star dans son pays, qui avait affirmé en 2021 avoir eu un rapport sexuel forcé et une relation extraconjugale avec un puissant ex-responsable du Parti communiste. Son message avait été rapidement censuré sur l'internet chinois.
Beaucoup de Chinoises qui, comme la championne, ont osé dénoncer de tels agissements, ont vu les faits se retourner contre elles.
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"Discours provocateurs"
Lors de l'audience en septembre 2023, le procureur municipal avait accusé Sophia Huang Xueqin d'avoir "suivi et organisé une formation" et Wang Jianbing d'avoir "publié ou republié de fausses déclarations" dans le but de saper l'autorité de l'État, selon le groupe de soutien.
Ils étaient également accusés d'avoir "organisé des réunions régulières à Canton" dans le même but, selon la même source.
La journaliste chinoise a été accusée d'avoir "publié des articles et des discours déformés et provocateurs attaquant le gouvernement national sur les réseaux sociaux" et d'avoir "rassemblé des organisateurs à l'étranger pour participer à une formation en ligne sur des actions non-violentes", selon les captures d'écran.
Le parquet reprochait à Wang Jianbing d'avoir publié "des articles et discours erronés attaquant le système politique et le gouvernement chinois" et d'avoir rejoint "des groupes (subversifs) en ligne à l'étranger", dont l'un commémorant la répression meurtrière des manifestations de la place Tiananmen en 1989, selon l'acte d'accusation présenté.
Les deux militants chinois étaient également accusés d'avoir organisé des réunions à partir de novembre 2020 à Canton, où ils "ont encouragé les participants à manifester leur mécontentement à l'égard du pouvoir chinois sous prétexte de discuter de questions sociales".
Ses partisans s'étaient inquiétés début 2023 de ce que Sophia Huang Xueqin avait perdu beaucoup de poids, avait des maux de dos et n'avait plus ses règles, suggérant des problèmes de santé.
Ces dernières années, les autorités chinoises répriment de façon croissante les mouvements issus de la société civile et les défenseurs des droits.
Avec AFP
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