Avant de recevoir l’Oscar du meilleur acteur pour sa métamorphose moustachue et un peu lourdingue en Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody , le biopic du meneur du groupe Queen, Rami Malek s’était fait connaître dans la série Mr. Robot où il campait un pirate informatique tapi dans l’ombre. Le thriller de James Hawes The Amateur lui offre l’occasion de prouver à nouveau qu’une simple touche de clavier peut se transformer en arme fatale. Adaptation pour Disney du roman de Robert Littell publié en 1981, cette relecture transpose les péripéties de Charlie Heller de la guerre froide à nos jours.
Cryptographe introverti de la CIA, Charlie (Rami Malek) s’effondre quand son épouse meurt dans une prise d’otages à Londres. Ayant accès à des dossiers compromettants, il fait chanter ses patrons pour obtenir le droit de se venger seul. Sauf qu’il n’a ni les compétences, ni l’instinct d’un tueur à sang froid. Son unique atout reste sa maîtrise de l’informatique et des nouvelles techniques de surveillance.
« Il était crucial que Heller reste un héros inattendu, ordinaire et sous-estimé. Dans un film plus traditionnel, ce geek deviendrait à l’issue de sa période d’entraînement un excellent tireur et un pro du corps-à-corps. Tout le contraire de ce que nous souhaitons pour Charlie qui reste ce qu’il est : un amateur », déclare au Figaro le réalisateur James Hawes (Une vie).
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Déjà à la barre de l’excellente série d’Apple TV+ Slow Horses, sur des pieds nickelés du renseignement, le cinéaste installe une atmosphère claustrophobe où percent ses influences : John Le Carré et les thrillers paranoïaques des seventies - Les Trois Jours du Condor, Les Hommes du président...
Réflexion sur le deuil
Suspense efficace et divertissant à l’ancienne, The Amateur suit un protagoniste qui regarde par-dessus son épaule, ne reste jamais longtemps dans la même ville. Londres, Paris, Marseille, Istanbul… Anti-James Bond, Charlie Heller sillonne l’Europe hors des sentiers battus, misant sur les rues anonymes plutôt que les monuments et attractions touristiques. « Le récit originel se déroulait à Prague mais aujourd’hui la capitale tchèque est le havre des voyageurs et plus vraiment un nid d’espions. Istanbul est désormais en première ligne des jeux de pouvoir. Moins familière, elle respire davantage le danger », note James Hawes. L’étape madrilène et sa piscine suspendue dans le vide d’un palace sont la seule concession spectaculaire et terrifiante à l’action. Avec un épilogue trop prévisible.
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The Amateur se veut aussi une réflexion sur le deuil, la solitude et ce que coûte de voir et d’administrer la mort de près. Est-ce que la justice suffit à panser les plaies ? Chaque élimination reflète l’intensité fluctuante du chagrin de Charlie. Rami Malek fend l’armure avec plus de sincérité que dans Mourir peut attendre où il incarnait l’adversaire psychopathe de 007. En instructeur de la CIA, Laurence Fishburne est le vecteur de touches d’humour bien acides. Cantonnées à des apparitions, Rachel Brosnahan, épouse qui hante ses pensées, et Caitriona Balfe, informatrice, ont des partitions plus raides.
Transparaissent en filigrane les enjeux et le don d’ubiquité de la surveillance moderne. Conseillé par des officiers de la CIA, James Hawes jure que les tactiques montrées sont réalistes. « Londres compte plus de caméras par kilomètre carré que n’importe quelle autre ville au monde. Une personne qui se rend au travail est filmée ou photographiée 300 fois par jour. Voici le monde dans lequel on vit », pointe-t-il.
La note du Figaro : 2/4