L’accord Europe-Mercosur ferait reculer notre souveraineté alimentaire

Tandis que Donald Trump vient  d’obtenir de  la Commission européennes un accord  sur les tarifs douaniers très favorables aux Etats-Unis, l’Allemagne, l’Italie  et l’Espagne affirment souhaiter la ratification de l’accord de libre échange en l’Europe des 27 et les pays du Mercosur. Au risque  d’accélérer  la déforestation en Amazonie  via l’augmentation des importations  de soja et de viande en Europe  en faisant baiser les prix des prix payés  à nos paysans.  

La conclusion de  l’accord de libre-échange  négocié entre la Commission européenne et  les pays du Mercosur  date de la fin de l’année 2019. Six ans plus tard,  Ursula Von der Leyen , toujours présidente de la Commission européenne, tente de le  faire ratifier  par les pays membres de l’Union.  L’Allemagne, L’Italie et l’Espagne   affirment vouloir le signer. En France,  le président Macron  a souvent déclaré que cet accord n’était «pas  acceptable  en l’état ». Mais, dans un entretien à accordé le 6 juin dernier au média brésilien GloboNews, il semblait  avoir changé de position en déclarant : « Est-ce que je pense  que stratégiquement  un accord en l’Union européenne  et le Mercosur est bon? La réponse est oui ».   

Selon Yves Madre, fondateur  du cabinet » Farm Europe » et observateur attentif de la politique agricole européenne,  l’Allemagne souhaite  l’entrée  en vigueur de cet accord  « afin d’exporter davantage de  produits industriels en Amérique du sud. On sait aussi que la Commission européenne  veut réduire la part de son budget annuel consacrée à la Politique Agricole Commune (PAC)   pour les années  de 2028 à 2034. Elle veut   fusionner le budget de la PAC  avec celui des autres grandes  politiques européennes», note Yves Madre, ce qui  fait  redouter le pire aux  paysans.   

De la FNSEA au MODEF, en passant par les Jeunes Agriculteurs, la Confédération Paysanne et   la Coordination rurale, tous les  syndicats paysans  sont opposés  à l’accord entre l’Europe et le Mercosur. S’il entrait  en application, il  ferait  croître les exportations sud américaines  de soja, de maïs, de sucre de canne et de viandes  en Europe, en réduisant  la superficie de la forêt amazonienne  qui capte déjà   de moins en moins de carbone. Selon une étude publiée le 21 mai par l’Observatoire  mondial des forêts, les forêts tropicales  ont perdu 6,7 millions  d’hectares  en  2024, celles de l’Amazonie ayant beaucoup reculé en raison des incendies volontaires motivés par la spéculation visant à mettre plus de terres forestières en culture. Et en même temps,  selon le Fonds international  de développement agricole (FDA) de la FAO, près de 300 millions de personnes  dans  53 pays souffraient de la faim en 2024.  

Le bilan carbone désastreux  des aliments importés  

La France a importé  une moyenne de 3,5 millions de tonnes de soja par an des pays d’Amérique du sud entre 2012 et 2022. Il  entre dans l’alimentation des poules  pondeuses, des volailles de chair, des porcs, des vaches laitières  et des bovins à l’engraissement.  Le soja importé est très  utilisé aux Pays Bas, en Espagne, en Irlande,  en Belgique, au Danemark. Grâce aux importations de soja, les Pays Bas exportent   beaucoup de produits laitiers et de viande  dans d’autres pays membres de l’Union européenne. De la même manière, l’Espagne exporte beaucoup de viandes porcines et de volailles  en France. 

 Du coup, plus de 50%  de la viande de volaille consommée en France est importée  désormais alors que notre pays est le premier producteur européen de céréales  dont on nourrit les volailles.  Ces viandes volailles  importées sont surtout servies dans la restauration collective car elles font chuter le prix de revient du repas. Elles sont également vendues  à la découpe dans les linéaires de la grande distribution  sous forme de filets, de cuisses et de pilons. Concernant le poulet entier, les ménages  achètent  très majoritairement l’origine  France en magasin, dès lors qu’elle et visible sur l’emballage. Pour  nos élevages, il est possible  de produire davantage de soja dans plusieurs  régions de France, quitte à réduire les superficies consacrées au blé tendre  qui peine à trouver des débouchés au point que son prix  de vente ne couvre pas les coûts de production  actuellement. 

Le recul de l’élevage  des bovins à viande  risque de s’aggraver si la sécheresse fait reculer la production de fourrages cette année. Selon la Fédération Nationale Bovine (FNB) de la FNSEA, la  France a perdu plus d’un million de vaches depuis 2016  dont 80.000 en 2024. C’est notamment le cas dans les races à viande ,  tandis que les naissances de veaux sont en fort recul  en 2025. La même tendance s’observe  dans les élevages de vaches laitières  au point que l’on manque désormais de crème pour  produire du beurre!    

Capter l’azote de l’air pour en faire un fertilisant  

La réforme  de la Politique Agricole Commune  a besoin d’être centrée sur la recherche d’une meilleure souveraineté alimentaire et non sur le libre-échange  mondialisé.  En plus de favoriser  une plus grande autonomie  en production de nourriture du bétail,  produire plus de soja et d’autres  protéines végétales  en France permettrait  aussi d’allonger les rotations  des cultures annuelles dans les parcelles. On peut cultiver  successivement  des betteraves pour produire du  sucre, du blé pour produire du pain, du colza pour produire de l’huile, de l’orge pour produire de la bière et des aliments du bétail, du soja  et des pois pour fournir plus de protéines végétales aux élevages. Alors que les mots  « souveraineté alimentaire » figurent depuis  2022  dans la fonction officielle  du ministre de l’Agriculture en France, cela doit aussi passer par une Politique Agricole Commune  (PAC) qui oriente les aides à l’agriculture afin favoriser cette diversification des cultures  et  tendre  vers plus de souveraineté  dans chaque pays membre de l’Union  européenne avec un bilan carbone en baisse. 

S’agissant des herbivores  que sont les vaches laitières, les vaches allaitantes, les brebis et les chèvres,  il est possible de réduire  la part du soja dans leur ration alimentaire quotidienne. Il suffit pour cela de semer les prairies d’un mélange équilibré  de graminées  et de légumineuses comme, par exemple,   du ray-grass  et du trèfle blanc. Les variétés de  trèfle, tout comme la luzerne, sont des légumineuses qui captent l’azote de l’air  sur leurs racines et en font  un fertilisant  pour elles mêmes et  pour les cultures associées.  Cette pratique agronomique permet de réduire l’utilisation des engrais azotés dont  la production  et l’épandage  émettent des gaz à effet de serre.  Là encore, un ciblage intelligent  des aides européennes  permettrait de produire de manière plus écologique sur le sol européen  et de réduire en même temps  les importations de soja.