Enlèvement en France d'un opposant algérien : quatre nouveaux suspects placés en détention
L'enquête avance dans l'affaire du rapt d'un opposant algérien. Quatre hommes, présentés comme des exécutants, ont été mis en examen vendredi 16 mai à Paris puis placés en détention provisoire, soupçonnés d'avoir participé directement à l'enlèvement, en 2024 près de la capitale, d'Amir Boukhors, opposant au régime du président algérien Abdelmadjid Tebboune.
L'influenceur Amir Boukhors, dit "Amir DZ", avait été enlevé le 29 avril 2024 en région parisienne puis relâché le 1er mai. Trois hommes, dont un agent consulaire algérien, ont déjà été mis en examen mi-avril pour arrestation, enlèvement, séquestration, en relation avec une entreprise terroriste.
Selon le parquet national antiterroriste (Pnat), et conformément à ses réquisitions, les quatre hommes présentés vendredi à un juge antiterroriste ont été mis en examen pour participation à une association de malfaiteurs terroriste et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi de libération avant le 7e jour en relation avec une entreprise terroriste.
Selon une source proche du dossier, ils sont âgés de 32 à 57 ans et il leur est reproché d'avoir participé directement à l'enlèvement, la séquestration et la détention de la victime.
Selon deux sources proches du dossier, ils avaient été interpellés en région parisienne et placés en garde à vue mardi.
Selon ces sources, ils sont présentés par l'accusation comme des exécutants, qui auraient agi contre rémunération et sans aucun mobile politique.
L'enquête devra, entre autres, tenter d'établir s'ils savaient qui ils allaient enlever.
Sollicités par l'AFP, deux avocats de la défense, Camille Lucotte et Julien Fresnault, n'ont pas souhaité s'exprimer.
Un ex-diplomate dans le viseur de la DGSI
"L'enquête a permis d'élargir le cercle des personnes impliquées. Il s'agit de toute évidence d'exécutants", a réagi auprès de l'AFP Me Éric Plouvier, avocat d'Amir Boukhors.
"Il reste à clarifier les liens entre ces derniers et les agents d'Alger dans la commission du crime et ce, sans que la poursuite des investigations ne soit entravée par des préoccupations diplomatiques", a-t-il ajouté.
Dans cette affaire, selon une source proche du dossier, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le renseignement intérieur français, incrimine dans un rapport d'enquête d'avril un ancien haut responsable de l'ambassade algérienne à Paris, non poursuivi à ce stade : S. S., présenté comme un "sous-officier algérien de la DGDSE", un service de renseignement de ce pays, âgé de 36 ans.
Il aurait été présent à Paris "sous la couverture diplomatique de premier secrétaire" de l'ambassade d'Algérie, mais n'a pas été arrêté.
Il n'est possiblement plus en France et pourrait faire valoir une éventuelle immunité diplomatique.
Pour Me Plouvier, "les agents diplomatiques qui sont intervenus dans les faits ne sont pas couverts par une immunité, les opérations violentes d'enlèvement, de séquestration avec administration de sédatifs ne pouvant manifestement pas se rattacher à l'exercice de fonctions diplomatiques".
Crise diplomatique
L'enquête a été reprise en février par le Parquet national antiterroriste (Pnat) et confiée à la DGSI et à la Brigade criminelle.
La première vague d'interpellations a été déclenchée le 8 avril, lorsque l'un des mis en cause a été repéré devant le domicile de l'influenceur.
Pendant sa garde à vue en avril, l'agent consulaire mis en cause a "prétendu tout ignorer" de ces faits, souligne le rapport de la DGSI.
Alger avait exprimé une "vive protestation" après son incarcération.
Installé en France depuis 2016, Amir Boukhors, 41 ans et un million d'abonnés sur TikTok, est un "irritant majeur dans la relation bilatérale avec l'Algérie", selon le rapport.
Il fait l'objet de neuf mandats d'arrêt internationaux d'Alger qui veut le juger, notamment pour escroquerie ou infractions terroristes.
En 2022, la justice française a refusé son extradition et le pays lui a donné l'asile politique en 2023.
L'ensemble de ces révélations a nourri la crise diplomatique dans laquelle Alger et Paris s'enfoncent depuis des mois, et qui a donné lieu lundi à l'annonce par Alger de nouvelles expulsions de fonctionnaires français.
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Mercredi, la France a convoqué le chargé d'affaires algérien à Paris pour dénoncer une décision "injustifiée et injustifiable" d'Alger et lui indiquer que Paris allait riposter en renvoyant des diplomates algériens, a annoncé le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot.
Avec AFP