À Biarritz, le look surfeur se fond (un peu trop) dans la masse

À Biarritz, on ne se contente pas de poser sa serviette sur la plage. On pose aussi un style. Chaque été, les vacanciers adoptent, avec plus ou moins d’aisance, le look de ceux qui vivent ici à l’année. Short en toile, tee-shirt logotypé, casquette vissée, espadrilles bien usées. L’image du surfeur colle à la peau de la ville et de ses visiteurs.

Longtemps, ce style incarnait une appartenance, presque une culture. Aujourd’hui, il semble flotter sur tout le monde, quitte à perdre un peu de sa saveur.

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De la culture surf à la mode de masse

Robin, gérant d’une boutique multimarques installée depuis des années, a vu cette évolution s’amorcer. «Avant, tout le monde voulait s’habiller comme un surfeur. Il y avait une vraie attente autour des nouvelles collections : le boardshort, le tee-shirt de marque de surf… On en achetait un et on ne le quittait pas de tout l’été.»

Mais ce temps semble révolu. «Aujourd’hui, le marché est saturé. Il y a trop de marques, trop de produits, tout le monde arrive déjà équipé. Les gens ont tout commandé en ligne, avant même de poser un pied ici.» Même lui a vu ses rayons évoluer. Moins de pièces purement surf, plus de lifestyle, de produits pensés pour la balade urbaine, bien coupés, bien marketés. «Le sport, lui, se porte très bien. Il y a de plus en plus de pratiquants. Mais le style surf, celui qu’on portait spontanément, a été absorbé par la mode globale.»

Les vacanciers veulent jouer le jeu

Julie, elle, ne s’en offusque pas. Derrière son comptoir de café, elle observe les allers-retours des vacanciers avec tendresse. «Oui, il y en a qui surjouent un peu. Ceux qui ont acheté la casquette brodée avec écrit ‘Biarritz’, le tee-shirt et le maillot de surfeur… Mais au fond, c’est sympathique.»

Elle voit dans cette appropriation une manière de se glisser dans l’ambiance. «C’est leur façon de dire : j’aime bien cette ville, je veux m’intégrer le temps d’un été. Tant que ça reste léger, c’est assez joyeux.» Elle-même reconnaît que le style local est difficile à définir. «C’est un mélange. Des fringues patinées par le sel, des vieilles Vans, un short rapiécé… C’est plus une attitude et une nonchalance qu’un uniforme.» Elle résume : «Ceux qui veulent trop ressembler à un local, on les repère à dix mètres. Ceux qui s’en fichent un peu y arrivent parfois mieux !»

Ceux qui veulent trop ressembler à un local, on les repère à dix mètres.

À force d’imiter, on s’uniformise

Clémentine, commerçante, se montre critique. «Franchement, on les voit de très loin les bobos parisiens. Ils débarquent déguisés chaque été, c’est le même défilé. Avec leur casquette en coton bio et leur sac imprimé ‘Océan Vibe’.» Ce qui l’interpelle, c’est l’effacement progressif des vraies nuances locales. «À force de vouloir ressembler à tout le monde, on finit par effacer ce qui nous rendait unique. Tout devient homogène, lissé, mondialisé.»

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Elle prône un style plus sincère, plus enraciné. «On peut s’inspirer, bien sûr. Mais il faut garder une part d’inconfort, d’imprévu. Le vrai style biarrot, c’est pas Instagrammable. C’est un peu brut.»

Le surf, une culture, pas un costume

«On peut s’inspirer, bien sûr. Mais il faut garder une part d’inconfort, d’imprévu. Le vrai style biarrot, c’est pas Instagrammable. C’est un peu brut.» GILLES MARIE ZIMMERMANN

Et pourtant, tout le monde ne voit pas ce jeu de mimétisme d’un mauvais œil. François, fonctionnaire et surfeur sur son temps libre, prend du recul. «Les gens ont envie de se sentir à leur place, c’est humain. S’ils ont besoin de mettre un short et un tee-shirt pour ça, tant mieux.»

Mais lui aussi sent que la tendance s’est inversée. «Avant, on s’habillait comme un surfeur parce qu’on vivait dans l’eau. Maintenant, on s’habille en surfeur pour se donner l’illusion d’en faire partie.» À ses yeux, l’important, c’est ce que l’on fait, pas ce que l’on affiche. «Mettre une combi ne fera pas de toi un surfeur. Ce qui compte, c’est la régularité, le respect de l’océan, et le lien qu’on tisse avec la mer.» Il voit passer chaque été des débutants très lookés et d’autres, discrets, qui s’en sortent mieux. «Ceux qui progressent sont souvent les plus sobres. Ils passent moins de temps à se regarder, plus à essayer.» 
 
Pour les locaux, la différence est évidente. Mais les conseils sont bienveillants : pas besoin de forcer. Un tee-shirt simple, acheté sur place. Des espadrilles confortables. Un short qui supporte le sable. Et un peu de désinvolture dans l’allure. Et dans ce théâtre estival où chacun joue son rôle, Biarritz, elle, reste fidèle à sa scène : face à l’océan, un style qui glisse, mais ne s’invente pas.