Flottes automobiles : les TPE /PME face à une pression fiscale accrue

Jusqu’à la dernière loi de finances et le coup de tonnerre sur la hausse de la valorisation des avantages en nature (AEN) soumis à cotisations sociales sur les véhicules de fonction, qui rappelons-le, passe de 30 à 50 %, voire de 40 à 67 % en cas de possession d’une voiture non électrique fournie avec une carte carburant, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises (TPE/PME) étaient relativement épargnées par la fiscalité sur les flottes. Mise en place en 2020, la loi d’orientation des mobilités (LOM) ne s’attaquait qu’aux entreprises dotées d’un parc de plus de 100 véhicules, avec un calendrier dégressif. Un programme insuffisant pour certains élus.
Dans le cadre d’une mission flash, les députés Gérard Leseul (PS) et Jean-Marie Fiévet (EPR) ont récemment déposé une proposition de loi qui vise à accélérer cette transition. Ils souhaitent augmenter le nombre de véhicules électriques dans les parcs et prévoient des sanctions importantes en cas de non-respect. Si la lecture de cette proposition à l’Assemblée nationale a été repoussée, afin, selon nos informations, « de ne pas ajouter de l’huile sur le feu », les TPE/PME sont néanmoins elles aussi dans le viseur des pouvoirs publics. L’augmentation du malus et la mise en place de la taxe au poids, y compris sur les hybrides rechargeables (PHEV), considérés encore jusqu’à peu comme politiquement corrects, les pénalisent désormais lourdement.

Une volonté des décideurs

Pourtant, les chefs d’entreprise ont conscience de la nécessité d’électrifier leur parc. La dernière étude publiée mi-mars par l’Arval Mobility Observatory France note que « l’électrification des flottes automobiles françaises est en marche, avec 84 % des entreprises qui se sont déjà engagées dans la transition énergétique ou qui envisagent de le faire dans les trois prochaines années ». L’étude rappelle néanmoins qu’il s’agit d’« un chiffre stable par rapport à la précédente ».
Mais dans cette marche forcée à l’électrification, des disparités émergent. Si une entreprise sur deux « utilise ou est prête à passer à la voiture électrique », le rapport dévoile que les PHEV séduisent encore plus. Les entreprises sont 66 % à en disposer ou à se pencher dessus. Une solution de transition au tout-électrique, qui a pour avantage, si le véhicule est bien utilisé, de réduire les émissions de CO2. Malheureusement, la fiscalité les met dans le même sac que les énergies autres que 100 % électriques. « La brutalité de la fiscalité, sa rétroactivité sur les AEN, sont totalement à l’opposé du choc de simplification voulu par le gouvernement », réagissent Sarah Roussel et Anne-Claire Forel, respectivement présidente et directrice générale du SesamLLD, le syndicat des loueurs longue durée. « Ces mesures complexifient encore plus la fiscalité pour les TPE/PME qui n’ont pas les ressources en interne pour les appréhender. Surtout, pour ces entreprises, le véhicule de fonction reste avant tout un outil industriel, destiné par exemple aux commerciaux », soulignent-elles.
« Le cadre réglementaire change en permanence et empêche toute visibilité », ajoute Guillaume Maureau, directeur général adjoint commerce France d’Ayvens. « Que les AEN soient révisés, c’était nécessaire, convient de son côté Nicolas Fragne, fondateur de Yooliz, société de courtage en location longue durée. Que les pouvoirs publics mettent l’accent sur l’électrification et les véhicules produits en Europe, c’est également une piste intéressante, mais que la fiscalité soit aussi brutale et sans accompagnement n’est pas une solution et risque de bloquer la prise de décision. »
Un attentisme déjà perceptible lors des sondages de l’étude d’Arval, réalisés en septembre et en octobre derniers, bien avant les mesures sur les AEN. Prudente, l’étude indique que « sous réserve de l’impact des récentes évolutions fiscales (...), les décideurs n’anticipent pas une baisse globale des besoins. La tendance est davantage à la stabilité dans les trois prochaines années. Ils sont ainsi 61 % à privilégier ce scénario en France. » Difficile à dire si, depuis la mise en place des nouvelles règles fiscales, ce pourcentage sera toujours aussi important.

Transformation du parc

Cette fiscalité risque également de transformer en profondeur le parc. C’est bien entendu le but, mais dans une étude de septembre 2024, publiée encore une fois avant les modifications, le SesamLLD notait déjà que « de plus en plus d’entreprises décident d’imposer les types de véhicules à leurs salariés. Si ces derniers avaient auparavant le choix, l’entreprise attribue donc désormais les véhicules en fonction des besoins présumés. C’est ainsi qu’elles imposent la motorisation en fonction de l’usage (...). Un schéma courant consiste par exemple à attribuer des diesels aux salariés qui se déplacent toute la journée et des électriques quand cela est adapté à l’usage du preneur. » Des décisions assez pragmatiques, mais qui risquent d’exploser dans les mois à venir avec l’obligation à marche forcée du passage à l’électrique. -