Sons : Sidse Babett Knudsen raconte sa métamorphose en gardienne de prison
De chef du gouvernement danois à la case prison. Révélée par la série politique Borgen, la plus francophile des actrices danoises Sidse Babett Knudsen joint ses forces à celle du plus prometteur de ses compatriotes, le réalisateur de the Guilty Gustav Möller qui signe un nouveau huis clos étouffant avec Sons («Les fils« en VF), dans les salles depuis mercredi. Sidse Babett Knudsen y campe une gardienne de prison qui engage un bras de fer avec un détenu ultraviolent Mikkel. Son arrivée bouleverse Eva. La fonctionnaire modèle demande à être mutée dans l'unité de haute sécurité où a été transféré le jeune homme bardé de tatouages.
LEFIGARO.FR - Qu'est-ce qui vous a séduit dans la promesse de ce huis clos carcéral ?
Sidse Babett Knudsen. J'avais été impressionnée par son précédent film The Guilty, déjà un huis clos, de Gustav Möller. Je désirais ardemment travailler avec lui. Quand je lui ai dit, il m'a répondu qu'il souhaitait réaliser un film sur la prison. J'ai ainsi pu suivre Sons à toutes les étapes de sa création. Dans The Guilty et dans Sons, Gustav Möller a un don pour le rythme et le tempo. Il y a quelque chose de musical dans son écriture. D'ailleurs, on a travaillé comme ça. Même si le scénario était là, je venais tous les jours sur le plateau et je lui demandais : que veux-tu que je fasse ?
Comment avez-vous approché le quotidien de surveillant pénitentiaire d'Eva ?
Gustav Möller était conseillé par un ex-surveillant Martin Sørensen. Il a été un vrai mentor. Il m'a expliqué comment tout fonctionne en prison. Il m'a montré les gestes qu'il faut avoir : pour enfiler l'uniforme, pour manipuler les clefs. Je voulais que chaque mouvement soit crédible. J'ai passé beaucoup de temps à juste marcher dans cette prison désaffectée où nous avons tourné. C'est paradoxal de passer autant de temps dans un espace où les gens ne peuvent sortir. J'ai été marquée par les sons et les échos si particuliers : les couloirs, les portes des cellules. La prison est un univers sonore à part qui vous ramène dans le présent. Cela m'a donné envie de développer un jeu plus instinctif, plus abstrait -comme travailler sur son animal intérieur-, ce que je n'ai pas toujours la possibilité de faire. J'ai joué avec l'idée qu'elle ne pense pas avec des mots. Eva n'est pas sociale. Elle se croit invisible. Quand on lui parle, c'est comme si le message passait non par ses oreilles mais à travers les cellules de son corps. C'est plus lent.
Comment le réalisateur Gustav Möller s'est mis au diapason de ce jeu ?
J'ai adoré ce tournage basé sur la confiance et la disponibilité. Je me trouvais souvent devant lui à regarder ses grands yeux en me demandant que se passe-t-il dans son esprit ? Qu'est-ce qu'il veut de moi ? Qu'est-ce qu'il pense ? On tournait énormément, sans arrêt. Il y avait ces expériences de cadrage, d'angle. Sa caméra est toujours dans les couloirs, à filmer ma tête. Je me suis vue autrement. Gustav est direct et simple. C'est un maestro qui choisit ces petits moments.
Au départ, Eva humilie et punit Mikkel avant de chercher au contraire à le protéger. Comment expliquez-vous cette trajectoire contradictoire ?
Eva souffre tellement : toute sa personnalité, tout son ego, tout son passé est enfoui. Elle refoule tout. Ce qui reste, c'est le besoin de faire quelque chose, de faire une petite différence dans ce monde vers le bien, ne serait-ce qu'un millimètre. Elle se sent coupable de cet échec avec son fils, d'avoir aidé à créer un monstre, Qu'est-ce que je fais sur terre si j'ai complètement détruit l'enfant que l'on m'a confié ? Elle a besoin d'être pardonnée. Mais elle ignore comment s'y prendre. Mikkel réveille en elle une tempête d'émotions illogiques. Entre vengeance et rédemption.
Quand on pense au Danemark, on pense plutôt à l'État providence qu'à son système pénitentiaire en souffrance, déjà au cœur de la série Prisoner, avec Sofie Grabol (et diffusée sur MyCanal).
C'est un écosystème particulier de rapports de forces. Ceux entre détenus et ceux entre les prisonniers et les gardiens. La prison crée de l'isolement pour ceux qui y sont incarcérés comme ceux qui y sont employés. J'étais surprise de voir qu'autant de femmes, notamment d'âge mûr comme Eva, y travaillent. Le hasard fait que nous avons tourné dans la même prison que celle utilisée par la série Prisoner . J'ai préféré toutefois ne pas la regarder : les deux projets étaient presque concomitants.