REPORTAGE. Trois ans après le début de la guerre en Ukraine, la main-d’œuvre des réfugiés au cœur de la campagne présidentielle polonaise
Trois ans après avoir accueilli le plus grand nombre d'Ukrainiens par habitant, la Pologne commence à se "lasser" de ces réfugiés qui s'éternisent malgré eux. En pleine campagne présidentielle, les candidats n’hésitent pas à instrumentaliser le sentiment, alors qu’un habitant sur dix en Pologne est ukrainien. Ils sont souvent pointés du doigt comme un poids pour l’économie polonaise. Mais en Basse-Silésie, la forte concentration de réfugiés représente en réalité une chance pour le développement économique de cette région industrielle.
La petite ville d’Oława emploie la plus grande proportion de travailleurs ukrainiens du pays. Dans son agence de traduction, Agnieszka travaille au contact des Ukrainiens au quotidien, depuis trois ans. Et comme une majorité de Polonais, elle ne cache plus sa lassitude face aux réfugiés : "Ils n’ont pas peur de formuler des exigences, ils montrent leur insatisfaction si quelque chose ne va pas dans leur sens et au bureau, on les trouve très exigeants avec nous."
"Les allocations familiales devraient être réservées aux gens qui travaillent"
"Selon moi, les allocations familiales devraient être réservées aux gens qui travaillent, poursuit Agnieszka. Que ce soient des Polonais ou des Ukrainiens. Et les changements législatifs que prépare le gouvernement à cet égard devraient avoir lieu. Je pense qu’il y a tellement de place sur le marché du travail, que selon moi, ça ne devrait pas être un problème ni pour les Polonais, ni pour les Ukrainiens."
Mais avoir un emploi suffit rarement pour les réfugiés. Nina a fui Mikolaiv avec ses cinq enfants, deux semaines après le début de la guerre. Son salaire de 750 euros, gagné en faisant le ménage dans une école, ne suffit même pas à couvrir son loyer qui lui en coûte 900 : "Je ne peux même pas compter sur mes doigts le nombre d’emplois que je cumule. En plus de mon travail officiel, je fais des ménages, je prépare des plats à la demande, je travaille dans les jardins."
"Le soir quand je rentre, les enfants dorment déjà, et quand je repars le matin, ils dorment encore."
Ninaà franceinfo
Grâce aux allocations familiales qu’elle reçoit, elle peut encore consacrer un soir par semaine, le vendredi, à s’occuper de ses enfants. Pour elle comme pour de nombreux autres réfugiés, ces aides de l’Etat sont un complément de salaire indispensable.
Dans son agence de recrutement, Katarzyna s’occupe de leur trouver un emploi dans les nombreuses usines de la région, à des postes souvent difficiles, et boudés par les Polonais : "J’ai vu à quel point la Pologne s’est développée grâce à eux. Ils travaillent avec nous, ils ouvrent leurs propres entreprises, et je ne pense pas qu’ils représentent une quelconque charge pour les Polonais."
Trois ans après les avoir accueillis à bras ouverts, 96% des Polonais se déclarent aujourd’hui favorables à la réduction, voire à la suspension des aides pour les Ukrainiens sans emploi.