Selon Le Parisien, la ministre de la Santé Catherine Vautrin vient de signer un arrêté ministériel interdisant les écrans dans les lieux d’accueil des enfants de moins de 3 ans, tels que les crèches, les microcrèches et les haltes garderies. Cette mesure ne sera accompagnée d’aucun contrôle mais revêt une portée symbolique et vise à éveiller les consciences. Mi-juin, la ministre avait indiqué qu’il s’agissait d’une façon «d’insuffler l’idée que ça ne se fait pas», établissant un parallèle avec «l’interdiction de la fessée» en 2019.
Si cette mesure est insuffisante, elle représente un bon début et la preuve que le gouvernement, aussi lent soit-il, s’empare du sujet des écrans, selon Sylvie Dieu-Osika, pédiatre à Bondy et auteur de L’enfant-écran. Comment échapper à la pandémie numérique, chez Grasset (2025).
Passer la publicitéLE FIGARO - L’interdiction des écrans dans les lieux accueillant de jeunes enfants n’est-elle pas une simple mesure d’affichage ? Le problème de surexposition aux écrans se pose plutôt au sein du domicile familial...
C’est un bon début. Toutes les mesures de nature à marteler le message sont bonnes à prendre. Les parents pourront en déduire d’eux-mêmes que s’il ne faut pas d’écrans à la crèche, c’est sûrement qu’il n’en faut pas non plus à la maison. Selon une étude scientifique nationale consacrée au suivi des enfants (Elfe), seulement 15% des parents respectent la recommandation du zéro écran avant 3 ans ! Lors de mes consultations, je rencontre des petits qui passent jusqu’à 6h par jour devant les tablettes ou les smartphones. Arrivés en petite section, certains accusent déjà un très gros retard à cause de cela. Et ce n’est pas à cause du personnel de crèche ou des assistantes maternelles, souvent bien formées sur les dangers des écrans.
Vous alertez depuis 2017 sur les dangers de la surexposition aux écrans chez les tout-petits. Rappelez-nous pourquoi c’est si néfaste avant 3 ans.
Un enfant de moins de trois ans a tout à apprendre, dans son corps, dans sa tête, avec son entourage. Le temps qu’il passe devant un écran est du temps volé sur d’autres activités qui pourraient favoriser son développement. Comme l’adulte, l’enfant est un très bon client des algorithmes, qui le rendent captif. Le Monde des Titounis (un programme de comptines d’enfants très populaire sur Youtube, NDLR), est basé sur le même principe addictif que les vidéos pour adultes, avec des algorithmes qui s’adaptent aux goûts du bébé et sont conçus pour l’obnubiler, au détriment de tout le reste. Attention, si ces vidéos sont mauvaises, ce n’est pas le cas des visio avec les grands-parents ou des membres de la famille. Dans ce cas, l’écran n’est qu’un simple support, le risque d’addiction est donc mineur.
Lors de l’interdiction de la fessée en 2019, il n’y avait pas de contrôle
Sylvie Dieu-Osika
Cela a-t-il un sens d’interdire sans effectuer de contrôle ?
Passer la publicitéLors de l’interdiction de la fessée en 2019, il n’y avait pas de contrôle. On ne vérifie pas non plus que les parents ne fument pas dans la voiture, à côté de leur enfant... Toutefois, le danger de ces comportements est désormais connu parce qu’on a beaucoup communiqué dessus. Avec tous ces gens qui critiquent et disent «ça ne sert à rien, on n’ira pas voir derrière la porte», on n’avance pas. Il faut bien se rendre compte qu’avec le battage médiatique qu’il y a eu sur le caractère éducatif et bénéfique des écrans, certains parents n’ont même pas conscience de nuire à leur enfant. Certains pensent à tort que les écrans les aideront dans la maîtrise du français - quand eux le parlent mal - ou de l’anglais.
Y a-t-il d’autres facteurs qui expliquent que l’exposition des petits aux écrans soit si massive ?
Oui, l’écroulement du monde médical est une autre cause de la mauvaise information des parents. Avec des PMI qui ferment, une diminution du nombre de pédiatres, le peu de places en crèches, il manque de garde-fous et de canaux d’informations. 80% des enfants sont suivis médicalement par des médecins généralistes qui n’ont eu que quelques mois de cours de pédiatrie. Un pédiatre, lui, a suivi une formation spécialisée de 4 ans... Il est donc plus apte à repérer les troubles et aiguiller les parents.