Ce que contient l'accord conclu par Kiev et Washington sur l'exploitation des ressources naturelles et minières ukrainiennes

Ils ont enfin trouvé un terrain d'entente. Après des semaines de négociations tendues, l'Ukraine et les Etats-Unis ont annoncé, mercredi 30 avril, avoir signé un accord prévoyant un partenariat économique entre les deux pays. Il vise notamment à créer un fonds d'investissement commun pour l'exploitation des ressources minières et naturelles ukrainiennes. Voici ce que l'on sait du texte, dont le contenu a été en partie détaillé par des responsables ukrainiens.

Un fonds d'investissement commun

L'accord met en place un fonds d'investissement, qui sera financé à parts égales par les deux pays. D'après la ministre de l'Economie ukrainienne, Ioulia Svyrydenko, il permettra de financer des "projets d'extraction" des ressources naturelles – minerais, terres rares, gaz, pétrole –, dont Kiev "conservera l'entière propriété et le contrôle". "L'Etat ukrainien déterminera ce qui est extrait et où", a-t-elle garanti sur X. En outre, le texte "ne modifie pas la gestion des entreprises étatiques" comme la compagnie pétrolière Ukrnafta ou celle de production d'énergie nucléaire Energoatom, qui "resteront ukrainiennes".

Le fonds recevra des financements américains mais aussi de l'Ukraine, qui contribuera "à hauteur de 50% des recettes du budget de l'Etat provenant des redevances sur les futures licences" d'exploitation dans les domaines des "matériaux critiques, du pétrole et du gaz". L'accord ne s'applique donc pas aux contrats préexistants.

Ioulia Svyrydenko a précisé que, "durant les dix premières années, les bénéfices et les revenus du fonds ne seront pas distribués" et "ne pourront être investis qu'en Ukraine", dans "de nouveaux projets ou la reconstruction". Pour favoriser ces investissements, "les revenus ou contributions [au fonds] seront défiscalisés aux Etats-Unis et en Ukraine". "Les transferts et développements de technologies sont une part importante de l'accord, car nous avons besoin d'investissements, mais aussi d'innovations", a-t-elle également fait valoir. 

La ministre a ajouté que l'accord conclu "respecte la Constitution" et "la législation" de l'Ukraine, et n'entre pas en conflit avec son objectif d'intégrer l'Union européenne. Selon le Washington Post, qui a pu consulter le texte, Kiev s'était opposée à une précédente version qui offrait des avantages aux investisseurs américains, une mesure ne respectant pas les lois européennes. Le document signé mercredi contient par ailleurs une mesure "qui protège l'Ukraine de tout accord contraignant qui entraverait son accession à l'UE" et prévoit la possibilité de nouvelles négociations avec Washington pour réviser l'accord, relate le quotidien américain.

"Grâce à cet accord, nous pourrons attirer des ressources importantes pour la reconstruction, relancer la croissance et recevoir les technologies les plus récentes de nos partenaires", s'est félicité mercredi le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, dans un post Telegram relayé par le New York Times. Selon le quotidien américain, ce fonds pourrait également permettre aux entreprises américaines de se positionner pour participer à la reconstruction de l'Ukraine après la guerre, un chantier évalué à "plusieurs milliards de dollars".

La notion de "dette" envers les Etats-Unis écartée

Après des mois de tensions avec Washington, Kiev a obtenu gain de cause sur un point : "aucune dette, aucune aide" accordée par les Etats-Unis avant la signature du texte "ne fait partie de cet accord", a annoncé le Premier ministre ukrainien, mercredi, à la télévision nationale. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump n'a cessé d'exiger une compensation de l'aide militaire et financière américaine versée à Kiev depuis le début de l'offensive russe, il y a trois ans.

Le président américain a chiffré son montant à 500 milliards de dollars, relève l'AFP. Une somme très largement supérieure aux 120 milliards versés par Washington, selon les estimations de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale (IfW Kiel). Volodymyr Zelensky avait rejeté une première mouture de l'accord prévoyant le remboursement de cette aide américaine via l'exploitation des ressources minières de son pays, affirmant que "dix générations d'Ukrainiens" auraient eu à payer.

"La mise en œuvre [de l'accord] permet aux deux pays d'augmenter leur potentiel économique à travers une coopération et des investissements équitables", a précisé la ministre de l'Economie ukrainienne sur X.

Aucune garantie de sécurité concrète

Un autre élément semble, a priori, absent de cet accord : des garanties de sécurité américaines envers l'Ukraine. Volodymyr Zelensky avait pourtant insisté sur ce point ces dernières semaines, pour être assuré du soutien de la Maison Blanche en cas de nouvelles attaques de la Russie. Selon le Washington Post, le texte ne contient aucun détail concret à ce sujet. L'AFP ajoute qu'il est simplement mentionné que les Etats-Unis "soutiennent les efforts de l'Ukraine en vue d'obtenir les garanties de sécurité nécessaires à une paix durable".

Scott Bessent, le secrétaire américain au Trésor, a néanmoins estimé dans un communiqué que "cet accord signale clairement à la Russie que l'administration Trump soutient un processus de paix centré sur une Ukraine libre, souveraine et prospère à long terme". "La présence américaine va, je pense, maintenir beaucoup de mauvais acteurs hors du pays ou en tout cas hors de la zone où nous allons creuser", a également affirmé Donald Trump lors d'une réunion de son cabinet, mercredi, relaie le Guardian.

De son côté, la ministre de l'Economie ukrainienne a déclaré sur X que les Etats-Unis réaffirmaient, par cet accord, "leur engagement en faveur d'une paix durable" et de "la sécurité, le rétablissement et la reconstruction de l'Ukraine". Elle a aussi assuré qu'en plus de sa contribution au fonds d'investissement, Washington pourrait fournir "de nouvelles aides à l'Ukraine, par exemple des systèmes de défense aérienne".

Une mise en œuvre encore théorique

Si l'accord trouvé mercredi constitue, selon Kiev et Washington, un important pas en avant, ses futurs résultats restent pour l'instant hypothétiques, estiment plusieurs observateurs. La ministre de l'Economie ukrainienne a déclaré, mercredi, que certains "termes" de l'accord restaient à préciser, quand les Etats-Unis ont fait part d'une volonté commune de le "rendre opérationnel au plus vite", rapporte Le Monde. Certains détails doivent donc encore être affinés.

Les scientifiques ukrainiens estiment que leur pays détient environ 5% des ressources minières de la planète, rappelle USA Today. La valeur de ces minerais est toutefois difficile à évaluer : les dernières cartes les situant remontent à l'époque soviétique, et leur exploitation pourrait s'avérer complexe et très coûteuse, pointe le New York Times. Certaines de ces terres se situent par ailleurs dans des zones actuellement contrôlées par la Russie.

L'exploitation dépend en outre d'investissements privés, souligne Oleg Ustenko, ex-conseiller économique de Volodymyr Zelensky, auprès du Washington Post. En l'absence d'un cessez-le-feu durable avec la Russie, les entreprises américaines pourraient rechigner à débourser des montants aussi importants pour développer cette industrie en Ukraine. "Pour le moment, [cet accord] est donc plus symbolique qu'autre chose", juge Oleg Ustenko. Le document doit encore être ratifié par le Parlement ukrainien.