Manufacture Berluti, 130 ans de savoir-faire bottier

Loin de renier ses origines, le bottier profite de la complémentarité de sa double identité française et italienne. Si l’atelier de création sur mesure est toujours situé dans un bel immeuble haussmannien de la rue Marbeuf, à Paris, la conception et production des modèles prêt-à-chausser sont localisées depuis dix ans à Gaibanella, paisible bourgadeau sud de Ferrare, en Émilie-Romagne. Une région connue pour sa gastronomie, ses constructeurs automobiles de prestige - Ferrari, Lamborghini, Maserati - et ses manufactures, grâce à une main-d’œuvre artisanale qualifiée. Déployé sur 8 000 m2, le bâtiment conçu en 2015 par les architectes Barthélémy et Griño s’articule autour d’un atrium, coiffé d’une voûte de bois élaborée avec des essences locales. Sa structure en croisillons dessine des ombres figurant le laçage d’un soulier les jours de beau soleil. Rien n’est laissé au hasard. Ces installations exemplaires au niveau environnemental respectent les préconisations de la feuille de route Life 360 du groupe LVMH auquel le bottier, qui fête ses 130 ans cette année, appartient depuis 1993.

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À l’intérieur, le calme presque monacal est un leurre: près de 300 collaborateurs sont à l’œuvre pour imaginer, dessiner, concevoir, prototyper, façonner, assembler ou coudre les souliers. Si l’expression du savoir-faire est mise en avant dans chaque domaine, le sens de l’innovation est aussi omniprésent. Un goût de l’avant-garde consubstantielle à la maison, puisque tout débuta, en 1895, par une invention marquante: la conception, par Alessandro Berluti, d’un escarpin sans coutures, fait d’une seule pièce de cuir, qui allait faire sensation lors de l’Exposition universelle de 1900 à Paris. Naturellement, il ne faut pas oublier l’étape de la mise en couleur selon la technique spécifique de la patine. Une signature de style transmise en permanence aux apprentis, et que l’atelier de personnalisation ne cesse de peaufiner et de faire évoluer pour coller au mieux aux attentes d’une clientèle en quête d’exclusivité.

Le cuir est l’élément fondamental. Les peaux brutes sont méticuleusement sélectionnées, particulièrement pour la réalisation du soulier Alessandro, héritier direct de l’audacieux modèle initial et fierté des artisans depuis cent trente ans. SDP/Michel Figuet/BERLUTI
Le placement des formes du patronage sur les peaux requiert un œil averti, non seulement pour éviter les éventuelles imperfections naturelles, mais aussi pour optimiser au mieux les surfaces et gaspiller le moins de cuir possible. La découpe peut être assistée par un laser pour plus de précision. SDP/Michel Figuet/BERLUTI
Qu’elles soient réalisées à la main ou à la machine, les coutures sont toujours supervisées par un artisan. Aucune forme d’automatisation n’intervient pour assembler les pièces qui composent un soulier. Le confort n’étant pas une option, les renforts font l’objet d’un soin attentif. SDP/Michel Figuet/BERLUTI
Étape cruciale, la fixation de la semelle est une opération assez délicate réclamant de l’adresse et de la précision. Le cuir est d’abord clouté en tension sur des formes individuelles avant de procéder au collage. SDP/Michel Figuet/BERLUTI
Chaque soulier naît d’abord vierge, en cuir naturel, y compris pour la semelle. Outre les patines au catalogue, un service de personnalisation décuple les options de teintes. Il est même possible de faire tatouer le cuir pour obtenir des motifs inédits. SDP/Michel Figuet/BERLUTI
La mise en couleur se fait à la main. Signature de style de la maison, le travail de la patine suppose un geste virtuose et régulier. Il n’existe pas de noir, mais l’éventail des coloris est vaste, du gris anthracite au vert, en passant par des marrons ambrés. Cette saison, la maison mise sur des déclinaisons de teintes. SDP/Michel Figuet/BERLUTI
En comptant la phase ultime de contrôle de la qualité, juste avant l’expédition, chaque soulier nécessite près de 250 opérations manuelles, de la conception initiale des éléments du patronage au bichonnage. Une logistique bien rodée assure la fluidité de la production. SDP/Michel Figuet/BERLUTI