Abus sexuels dans l’Église, place de la femme... Les quatre indignations du pape en Belgique
Le pape François a donné son traditionnel point presse dans l’avion du retour, après un voyage de quatre jours en Belgique et au Luxembourg. Il en a profité pour revenir sur certains dossiers ou polémiques qui ont marqué ce déplacement.
Les abus sexuels dans l’Église : «Je demande aux évêques de ne pas couvrir les abus, de ne pas les dissimuler»
La question des abus sexuels dans l’Église catholique est un sujet très sensible en Belgique. Vendredi soir, le pape a reçu pendant deux heures 17 victimes. Certaines ont fait des déclarations à la presse, satisfaites pour les unes, très déçues pour d’autres. Ce qui a poussé François à commenter ce dossier.
Dimanche matin, il est par exemple sorti de son homélie pour lancer aux 50 000 fidèles présents, qui l’ont alors applaudi : «Pensons à tous ces petits qui sont frappés, abusés, par ceux qui devaient en avoir la responsabilité. Je mémorise dans mon esprit et dans mon cœur l'histoire de ces personnes vulnérables que j'ai rencontrées avant-hier. J'ai entendu leur souffrance de personnes abusées et je le répète ici : dans l'Église il y a de la place pour tous, tous, mais tous, nous serons jugés. Il n'y a pas de place pour l'abus, et il n'y a pas de place non plus pour la couverture de l'abus ».
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Il a alors lancé, toujours en improvisant « Je demande à tous de ne pas couvrir les abus. Je demande aux évêques de ne pas couvrir les abus, de ne pas les dissimuler. Il faut condamner les auteurs d'abus et les aider à guérir de cette maladie des abus ».
Il a observé : « Le mal ne doit pas être caché, le mal doit être découvert, il faut que l'on sache », rendant un hommage appuyé au « courage » des personnes abusées qui ont osé rompre le silence. Il faut que « soit jugé l'abuseur, qu'il soit laïc, prêtre ou évêque: qu'il soit jugé ».
Dans le vol retour vers Rome, le pape est revenu sur le sujet : «J'ai écouté les victimes. Je crois que c'est un devoir. Les statistiques disent qu’entre 40 et 46% des abus sont commis dans la famille et le voisinage, seulement 3% dans l'Église. Tout cela m'importe peu, je m'occupe des victimes dans l'Église ! Nous avons la responsabilité d'aider les victimes d'abus et de prendre soin d'elles. Certaines ont besoin d'un traitement psychologique, nous devons les aider. On parle aussi d'indemnisation, parce qu'en droit civil, il y en a une. En droit civil, je pense que le montant est de 50 000 euros en Belgique, ce qui est trop faible. Mais nous devons nous occuper des personnes maltraitées et punir les agresseurs.»
Le pape a alors évoqué les agresseurs : « la maltraitance n'est pas un péché d'aujourd'hui qui n'existera peut-être plus demain... C'est une tendance, une maladie psychiatrique et c'est pourquoi nous devons placer les agresseurs sous traitement et les contrôler de cette manière. On ne peut pas laisser un abuseur libre vivre une vie normale, avec des responsabilités dans les paroisses et les écoles.»
Pour ce qui est des abuseurs dans l’Église, le pape a expliqué :« Après leur procès et la condamnation, certains évêques ont donné à des prêtres ayant commis de tels abus une activité, par exemple, dans une bibliothèque, mais sans contact avec les enfants dans les écoles et les paroisses. Nous devons poursuivre dans cette voie. J'ai dit aux évêques belges de ne pas avoir peur et de continuer, d'avancer. La honte, c'est de couvrir. C'est ça la honte.»
La place des femmes dans l’Église : «Un féminisme exagéré qui veut que les femmes soient masculinisées, ne fonctionne pas»
Une vive polémique a éclaté samedi après-midi, à l’université de Louvain la neuve, qui a publié dans les minutes qui ont suivi le discours du pape un communiqué de presse le critiquant fortement :« l'Université déplore les positions conservatrices exprimées par le pape François sur le rôle des femmes dans la société». Une méthode que François n’a pas appréciée : «Tout d'abord, cette déclaration a été faite au moment où j'ai pris la parole. Elle a été faite à l'avance et ce n'est pas moral.»
Répondant ensuite sur le fond de la question, il a expliqué : « Je parle toujours de la dignité des femmes et j'ai dit quelque chose que je ne peux pas dire au sujet des hommes : l'Église est «femme», elle est l'épouse de Jésus. Masculiniser l'Église, masculiniser les femmes, ce n'est pas humain, ce n'est pas chrétien. Le féminin a sa propre force. En effet, les femmes, je le dis toujours, sont plus importantes que les hommes, parce que l'Église est femme, l'Église est l'épouse de Jésus. Si cela semble conservateur à ces dames, alors je suis Carlo Gardell (célèbre chanteur de tango argentin, NDLR), parce que… je ne comprends pas !»
Poursuivant, il a rétorqué : «Je remarque qu'il y a un esprit obtus qui ne veut pas entendre parler de cela. La femme est l'égale de l'homme, et même, dans la vie de l'Église, la femme est supérieure, parce que l'Église est femme.»
À propos des responsabilités des femmes dans l’Église, François a commenté : «En ce qui concerne le ministère, la mystique de la femme est plus grande que le ministère. Un grand théologien a fait des études à ce sujet. Il a posé cette question : qui est le plus grand, le ministère pétrinien [celui du pape] ou le ministère marial [celui de la Vierge Marie ]? Le ministère marial est plus grand parce que c'est un ministère d'unité, engageant, tandis que l'autre est un ministère de guide.»
Par conséquent : «La maternité de l'Église est une maternité de femmes. Le ministère [sacerdotal] est un ministère très mineur, donné pour accompagner les fidèles, toujours dans le cadre de la maternité. Et plusieurs théologiens qui ont étudié cette question disent que c'est une réalité, je ne dis pas ’moderne’, mais ’réelle’. Ce n'est donc pas dépassé.»
François a alors conclu : «Un féminisme exagéré qui veut que les femmes soient masculinisées ne fonctionne pas. Il y a d'un côté un masculinisme qui ne va pas, et de l'autre un féminisme qui ne va pas non plus. Ce qui fonctionne, c'est l'Église «femme», qui est supérieure au ministère sacerdotal.»
L'avortement : «vous tuez un être humain»
Interrogé sur le fait de savoir si son projet de béatifier le roi Baudoin ne réveillerait pas le débat sur l'avortement, François a répondu : «Les femmes ont droit à la vie: à leur vie, à la vie de leurs enfants. Mais n'oublions pas de dire ceci: un avortement est un homicide. La science nous apprend que dès le mois de la conception, tous les organes sont déjà là... Vous tuez un être humain. Et les médecins qui s'y prêtent sont, permettez-moi le mot, des tueurs à gages. Ce sont des tueurs à gages. Et sur ce point on ne peut pas discuter. On tue une vie humaine. Et les femmes ont le droit de protéger la vie. Les méthodes anti-contraceptives sont autre chose. Il ne faut pas confondre. Je ne parle maintenant que de l'avortement. Et cela ne peut pas être débattu. Pardonnez-moi, mais c'est la vérité.»
La guerre au Proche-Orient : «la défense doit toujours être proportionnelle à l'attaque. Il y a une morale à respecter»
Questionné dans l’avion sur les récents bombardements israéliens au Liban, le pape a confié : «Je téléphone tous les jours à la paroisse de Gaza. Je suis là-bas, avec la paroisse et le collège, où il y a plus de 600 personnes. Ils me racontent ce qu'il se passe, et même les cruautés qui se produisent là-bas. Je ne sais pas, tout à fait [ à propos du Liban ] comment les choses se sont passées mais la défense doit toujours être proportionnelle à l'attaque. Quand quelque chose est disproportionné, cela montre une tendance dominante qui va au-delà de la moralité. Un pays qui, avec ses forces, fait ces choses - je parle de n'importe quel pays - d'une manière si «superlative» mène des actions immorales. Même en temps de guerre, il y a une morale à respecter. La guerre est immorale, mais les règles de la guerre impliquent une certaine moralité. Mais lorsque ce n'est pas le cas, on assiste – comme on dit en Argentine — à du 'mauvais sang'».