Comment j’ai essayé d’infiltrer le mariage de Jeff Bezos à Venise, jour 3

Vendredi soir. Pendant que la fête des Bezos bat son plein sur l’île San Giorgio Maggiore, je décide d’infiltrer les repaires des ultra-riches. Faute de carton d’invitation, je peux au moins siroter un verre là où ils ont leurs habitudes. Direction le Library Bar, noté 5/5 sur Google. Au deuxième étage, dans un salon feutré se mélangent harmonieusement livres anciens aux murs, banquettes en velours cramoisi, piano à queue et bibliothèque à spiritueux. Personne. Venise ne souffre décidément pas du surtourisme ce week-end. «Un spritz au Select pour Madame.» J’interroge entre deux taralli siciliens : «Personne du mariage Bezos n’est venu ici ?». Le serveur se penche, conspirateur : «Une quinzaine d’invités du mariage logent ici.»

22 heures, place Saint-Marc. L’ambiance est bon enfant. Des orchestres jouent du Tchaïkovski et du Bocelli. Au loin, l’île San Giorgio Maggiore où se déroule la réception. Soudain, des détonations. Derrière le dôme de l’église, quelques éclats lumineux percent le ciel. C’est ça, le feu d’artifice du mariage du siècle ? Trois fusées timides qui durent à peine cinq minutes. Le même spectacle que regardent en ce moment Kim Kardashian, Bill Gates et Oprah Winfrey.

Kim Kardashian a déjà fui

Samedi matin. Direction Palazzo Gritti, deuxième chance. «Ils décuvent», ironise un paparazzi qui guette devant les portes. Dans le hall, le majordome récite sa litanie : «Désolé, le restaurant est fermé toute la semaine. Événement privé.» Le cornetto à côté de Kim Kardashian sera pour une autre fois : la star de téléréalité et sa sœur Khloé ont été photographiées tôt ce matin à l’aéroport. Plus loin, au si sécurisé St. Regis, où Ivanka Trump, entre autres, a posé ses valises, je rentre sans encombre. Une employée me dirige vers la salle du petit-déjeuner. Victoire ? Non. L’hôtesse au comptoir douche mes espoirs : «C’est réservé aux clients de l’hôtel jusqu’à midi.»

Kim Kardashian est vue à l’aéroport de Venise après le mariage de Jeff Bezos. (Venise, le 28 juin 2025.) IPA/ABACA

«Essayez le Moro Café»

Le Caffè Nolinski est également privatisé. À l’accueil, un serveur en blouse blanche compatit : «Essayez le Moro Café, c’est un jardin au bord du canal. Excellent petit-déjeuner. Dix minutes à pied.» Trois ponts et une mélodie de Vivaldi plus tard, j’arrive. Dans une végétation luxuriante, sous des parasols verts, des serveurs en marinières servent œufs Benedict et cornetti farciti à des touristes américains. Une famille à côté tente d’économiser et sort discrètement des sacs un paquet de chips Lay’s. Une guêpe rôde, mais pas de jeunes mariés. «Pas encore», sourit le manager. «Hier c’était sur l’île San Giorgio Maggiore. Mais ce soir c’est la grosse fête à l’Arsenal.» Au même moment, un SMS de Florian, un photographe français : «Gardes du corps devant le Gritti ! Une personnalité va sortir.» Je file. Fausse alerte.

Harry’s Bar : l’assaut final

Dans une boutique de verre de Murano réputée, je rencontre Saliha, la gérante. Elle a encore «la chair de poule» de sa rencontre d’hier : «Usher est passé ! Hyper cool, simple et aimable. Il s’arrêtait même pour embrasser des gens.» Ses yeux pétillent encore : «C’était mon rêve de le voir. Il y a 25 ans, à la fin des années 1990, je dansais le hip-hop, j’écoutais du rap. Alors qu’Usher soit passé devant ma boutique… c’est comme un rêve qui se réalise.»

13 heures. Le mythique Harry’s Bar est cerné. Un agent de sécurité monte la garde : oreillette, Ray-Ban, crâne rasé, gilet pare-balles sous un polo noir. Un employé à barbichette fume devant l’entrée : «Événement privé. Désolé.» Andrea, journaliste italien de La Repubblica, surgit : «Selon mes sources, Bezos risque d’arriver. Toutes les célébrités viennent au Harry’s Bar, c’est une institution à Venise !» Quelques minutes plus tard, les caméras de la télévision italienne débarquent. La police locale aussi. Le Secret Service arrive en renfort. Tommy Hilfiger et son épouse passent incognito, manquent l’entrée du Harry’s Bar, reviennent sur leurs pas.

Le reporter de la La Reppublica me dit de regarder son téléphone : «Bezos a quitté l’Aman ! Regarde la vidéo de mon collègue.» Il me partage également le tracking d’un vol : «Un jet en provenance de Teterboro, dans le New Jersey, a atterri à Venise à 11h17. On suppose que c’est Lady Gaga.»

Jeff fait son entrée

Le cofondateur d’Amazon, Jeff Bezos, et son épouse, Lauren Sanchez Bezos, arrivent au restaurant Harry’s Bar au lendemain de leur mariage. (Venise, le 28 juin 2025.) STEFANO RELLANDINI / AFP

Soudain, derrière ses lunettes aviateurs, un Jeff Bezos en t-shirt et pantalon taupe qui tient fièrement la main de Lauren Sánchez. Elle porte une robe noire col Bardot, un chapeau de paille et une alliance discrète. Tout sourire, il salue la troupe composée de photographes et de passants curieux. Sa nouvelle épouse envoie un baiser. «Lauren, montrez-nous votre bague !» supplie un paparazzi. Trop tard, les Bezos ont déjà disparu. Partis rejoindre leurs proches pour sans doute déguster un Risotto Primavera, classique du Harry’s Bar. Pendant ce temps-là, Orlando Bloom est arrivé par-derrière.

16 heures. Il est temps de rentrer. Sur le vaporetto vers l’aéroport, dernière apparition : Karlie Kloss et Josh Kushner amarrent à San Marco. Un Français râle : «Les bâtiments sont magnifiques à Venise mais c’est gâché par les gens. Regarde tous ces touristes sur le pont, là, juste pour prendre la photo de Bezos et faire le buzz sur Instagram.» Sa compagne renchérit : «C’est vrai que le séjour était sympa mais cher.»

À l’aéroport, une employée douche mes derniers espoirs : «Les invités du mariage arriveront tous par la zone réservée aux jets privés.» 95 appareils étaient attendus pour les festivités, selon le Times . De quoi attiser la grogne vénitienne. Une manifestation est d’ailleurs prévue à 17 heures. Mais protégé par ses vingt-cinq gardes du corps, Jeff Bezos est à Venise intouchable.