Israël-Palestine : quand le passé éclaire le présent

Rendons hommage à La Chaîne parlementaire (LCP) et à Jean-Pierre Gratien pour avoir, le 5 juin, consacré un « Débatdoc » à l’indicible massacre des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et de Chatila, au Liban 1. Est-ce vraiment le moment de revenir sur une tragédie de 1982 ? Hélas oui, car, en l’occurrence, le passé éclaire le présent…

Rappelons les faits. Nous sommes il y a quarante-trois ans. Il n’existe alors ni Hezbollah ni Hamas. C’est le Fatah du dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat qu’Ariel Sharon, alors ministre israélien de la Défense, veut éradiquer. Le chef de l’OLP et ses combattants sont retranchés à Beyrouth-Ouest. L’armée israélienne envahit le Sud-Liban en janvier, puis Beyrouth en septembre, avec la bénédiction des milices libanaises de droite, rassemblées dans les Forces libanaises (FL) sous la direction de Bachir Gemayel, élu président du Liban en pleine guerre civile : un personnage aussi inféodé à Israël que violemment anti-Palestiniens. « C’était la première fois qu’une capitale arabe était occupée ! C’était un traumatisme pour tout le monde arabe », se souvient le directeur de l’Orient-le Jour. Les objectifs communs à Sharon et aux FL : détruire l’OLP et tuer Arafat et les « terroristes » qui le suivent.

Aujourd’hui, des prémices d’un sursaut moral existent, certes, en Israël, et nous exprimons à leurs auteurs toute notre solidarité. Mais ce sont encore des prémices.

Défavorables à cette issue, Washington, Paris et Rome obtiennent l’évacuation des combattants palestiniens et de leur chef vers Tunis ainsi que la « garantie » de la vie sauve pour les civils palestiniens, réfugiés dans les camps. Une fois Beyrouth vidé de la résistance militaire, l’armée israélienne, prenant prétexte de l’assassinat de son proche allié, Bachir Gemayel – alors qu’aucun Palestinien n’est impliqué dans cet acte –, imposera le couvre-feu, encerclera les deux camps de réfugiés, laissera pénétrer la milice phalangiste et, durant cinq jours et quatre nuits, massacrer des familles entières, hommes, femmes et enfants, par centaines, jusqu’à des bébés dans leur berceau. L’armée israélienne aidera même ses supplétifs à perpétrer leurs exactions en déployant de puissantes fusées éclairantes pendant les quatre nuits en question. « Les Israéliens contrôlaient tout ; ils avaient tous les moyens de tout arrêter », soulignent deux experts sur le plateau de LCP 2.

Le résultat de ce carnage est effroyable. Le documentaire montre un journaliste tétanisé et submergé par l’émotion devant l’horreur inimaginable qu’il vient de découvrir. Le Hezbollah naîtra de l’expérience de cette sauvagerie et tissera des alliances avec l’Iran et la Syrie… Non seulement le recours à la force la plus barbare n’aura pas « éradiqué » les combattants, mais il aura puissamment contribué à leur radicalisation : une leçon élémentaire dont les responsables du génocide du peuple de Gaza ne veulent toujours pas admettre l’évidence. « Il est absurde d’imaginer faire disparaître un peuple ou une idéologie par les armes ! On peut sortir du cycle de la violence dans un processus politique à condition de voir que la racine des problèmes est l’occupation », rappellent les deux invités. Puisse cette vérité de base être enfin reconnue tant par la société israélienne que par les alliés occidentaux d’Israël.

À cet égard, souvenons-nous qu’après l’horreur de Sabra et Chatila des manifestations de masse rassemblant jusqu’à 400 000 à 500 000 personnes en Israël ont permis d’obtenir une commission d’enquête dont les conclusions conduisirent à la démission de Sharon. Aujourd’hui, des prémices d’un sursaut moral existent, certes, en Israël, et nous exprimons à leurs auteurs toute notre solidarité. Mais ce ne sont encore que des prémices. Quant à l’Occident, s’il se mobilisa à l’époque, à tout le moins pour permettre le départ de l’OLP de Beyrouth, il a, aujourd’hui, sauf exception, choisi la connivence contre la conscience et l’impunité contre le droit international. Il revient aux citoyennes et aux citoyens de relever le défi de la mobilisation solidaire en faveur d’une paix juste et durable, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.

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