Sommet de Paris sur l’IA : sous le bluff, les fonctions
À l’approche du très médiatique sommet de Paris sur l’intelligence artificielle (IA), parlons un peu de la réalité mathématique qui se cache sous ce nom-spectacle. Mieux comprendre la mystérieuse intelligence naturelle, c’était un objectif des pères fondateurs de l’IA, les Turing, Minsky, McCarthy, dans les années 1950.
Anticipant la croissance exponentielle de l’informatique naissante, tant en puissance de calcul qu’en mémoire, ils y voyaient un extraordinaire terrain de jeu scientifique pour étudier le raisonnement. Chemin faisant, l’ambition a bien diminué, et pour l’IA d’aujourd’hui il ne s’agit plus de penser mais seulement d’effectuer des tâches que l’on aurait cru réservées aux êtres intelligents. Et cela par la mise au point de fonctions sophistiquées sur mesure.
Prenez un logiciel de diagnostic automatique surperformant : il n’a aucune idée de ce qu’est une maladie, ni un patient, c’est juste une fonction.
Une fonction ? C’est une relation entre une variable d’entrée x et une variable de sortie y. On note ça y = f(x) et ça date du XVIIe siècle. Il y a la fonction qui calcule la trajectoire d’une balle à partir de sa position et vitesse initiales ; la fonction qui calcule vos impôts à partir de vos revenus ; et des millions d’autres. Fixez deux nombres a et b, et la fonction y = ax+b c’est l’équation d’une droite, on dit que a et b sont des paramètres. Pour la fonction parabole, trois paramètres (y = ax2 + bx +c). Et ainsi de suite pour tous les usages, d’ailleurs il a été proposé une formule à trois paramètres (abc) pour simplifier les impôts.
Rien d’inquiétant, n’est-ce pas ? Eh bien, l’immense majorité de ce qu’on appelle IA, aujourd’hui, n’est autre que des fonctions à paramètres. Prenez un logiciel de diagnostic automatique surperformant : il n’a aucune idée de ce qu’est une maladie, ni un patient, c’est juste une fonction. À x, l’image médicale (traduite en collection de nombres), il associe y, le diagnostic (en nombres aussi). Ou un logiciel de conversation, Chat-GPT, Claude, Llama ou Mistral : à une question x il associe une réponse y. Évidemment c’est plus subtil qu’une parabole, ça utilise jusqu’à 1 000 milliards de paramètres ! Évidemment aucun humain n’a écrit cette fonction, on laisse à d’autres programmes le soin d’ajuster les paramètres (apprentissage automatique) via des calculs, des banques d’exemples, des essais-erreurs.
Et une fonction n’a pas plus d’intelligence qu’une parabole… mais le concept de fonction a révolutionné les sciences, et bien sûr des fonctions subtiles peuvent changer la donne. Évidemment, « faiseur d’intelligence artificielle » c’est plus ronflant que « grossiste en fonctions à paramètres », mais les géants de la tech ont besoin de ce bluff pour étancher leur soif de domination !
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