Mondial de handball 2025 : comment les Bleus veulent effacer l’échec de Paris 2024

Oublier ou ne pas oublier : telle est la question. Alors que les Bleus s’apprêtent à lancer leur Mondial face au Qatar ce mardi (18h) du côté de Porec, en Croatie, personne n’a oublié le terrible scénario du quart de finale des derniers Jeux olympiques à Paris. Après avoir tout gagné, et bien plus encore que dans ses rêves les plus fous, Nikola Karabatic ambitionnait de terminer sa prolifique carrière en apothéose, avec une quatrième médaille d’or olympique autour du cou (après celles de 2008, 2012 et 2021). Mais dès le premier match face au Danemark, achevé sur une correction à la mode scandinave (29-37), le navire hexagonal tanguait de manière inattendue. Champions d’Europe quelques mois plus tôt, les Bleus déjouaient, laissant les individualités prendre le pas sur le collectif. Et ce qui devait hélas arriver arriva en quarts de finale…

Opposés à l’Allemagne, les joueurs de Guillaume Gille dominaient les débats, sans parvenir pour autant à décramponner totalement la Mannschaft. Néanmoins, avec deux buts d’avance à 15 secondes de la fin, la qualification paraissait acquise. Avant un scénario catastrophe – cocktail improbable de temps mort chaotique, de perte de balle irréelle et de prolongation cauchemardesque (34-35, score final) – mettant un terme à la carrière de Nikola Karabatic avec un sentiment mêlé d’amertume et de gâchis tenace. À tel point que cinq mois après, tout le monde en parle encore, comme si c’était hier. «Les Jeux Olympiques, c’est derrière moi», rétorque pourtant Dika Mem, l’homme par qui le drame arriva alors même qu’il était le rare Français à surnager. «Aujourd’hui, je les vois comme une cicatrice, comme celle que j’ai désormais sur l’épaule droite (conséquence de sa blessure récente). Cette cicatrice restera toujours dans ma tête mais désormais, elle appartient au passé. Et le Mondial, c’est une autre compétition. J’en ai déjà gagné un, mais avec un rôle complètement différent de celui que j’ai aujourd’hui. Là, j’ai tout simplement envie de gagner en étant un acteur principal de la compétition

Maintenant, je ne vais pas vous mentir non plus et la manière dont on a été éliminé aux Jeux me donne également encore plus d’envie et de motivation quant au fait de disputer cette compétition.

Dika Mem

Un rôle qu’il aurait pu ne pas tenir, lui qui avait été un peu hâtivement annoncé forfait pour ce Mondial après avoir été contraint de passer sur le billard fin novembre suite à une luxation de l’épaule droite. «On ne sait jamais combien de temps on va rester en équipe de France et il faut saisir tout ce qui se présente», explique le Barcelonais. «Donc à l’instant où l’on m’a fait comprendre qu’il y avait une possibilité que je sois au Mondial en me faisant opérer de l’épaule, en accord avec mon club, j’ai foncé. Maintenant, je ne vais pas vous mentir non plus et la manière dont on a été éliminé aux Jeux me donne également encore plus d’envie et de motivation quant au fait de disputer cette compétition.»

Dika Mem FREDERICK FLORIN / AFP

Quant à savoir s’il a digéré, moralement, cet épisode, son partenaire Elohim Prandi se veut clair et net : «La particularité de Dika est qu’il est très fort mentalement de base. C’est quelqu’un qui coupe tous les réseaux sociaux pendant les compétitions, qui ne regarde rien. Moi, je suis assez indifférent par rapport à ça mais j’ai regardé ce qui se disait sur lui. On était sur du footix. C’était incroyable. On dénigrait sa personne, sa couleur de peau, pourquoi il était français…. Aujourd’hui, il sait qu’on est là pour lui, qu’on a toute confiance en lui et que les échecs sportifs arrivent à tout le monde. Après, je pense qu’il a cette capacité à se relever par rapport à ça et personne ne lui en veut de cette situation. Ça fait partie du sport. Maintenant, qu’est-ce qu’on en fait ? Et je pense que c’est le premier à s’être dit : «on m’a bien mis dans la sauce, je vais montrer que je ne suis pas mort». C’est ce qui fait que c’est un grand joueur, au-delà même de ses performances handballistiques

Je pense que l’effectif n’est pas la tête aux JO. C’est quelque chose qui est passé. On est orienté vers un nouveau projet.

Ludovic Fabregas

Le cas Dika Mem réglé – d’autant plus avec la forme qu’il a affichée lors des deux matches de préparation remportés par la France contre les Tchèques (38-27) et les Portugais (44-38) –, forcément, il faut en revenir à l’interrogation de départ : faut-il faire table rase à tout point de vue de l’échec Paris 2024 ? «Je pense qu’il faut l’effacer, tout en le gardant un petit peu dans un coin de la tête pour ne pas réitérer les mêmes erreurs», estime Prandi. Pour le nouveau capitaine de route, Ludovic Fabregas, l’analyse s’avère un brin différente : «Je pense que l’effectif n’est pas la tête aux JO. C’est quelque chose qui est passé. On est orienté vers un nouveau projet. Le plus important, c’est de performer, d’essayer de gagner les premiers matchs pour engranger de la confiance. Après, on a aussi joué des matchs au mois de novembre (victoire 37-31 face à la Suède et 31-27 face à la Norvège) qui nous ont remis dans le bon chemin face à des adversaires de très haut niveau, ce qui nous a fait du bien. Maintenant, j’espère que le début de ce Mondial nous permettra de confirmer les zones positives que l’on perçoit

Un tirage au sort très abordable

Cela tombe bien, le tirage au sort a offert aux hommes de Guillaume Gille un premier tour cousu main, avec d’abord le Qatar, puis le Koweït (jeudi 16 janvier, 18h) et l’Autriche (samedi 18 janvier, 18h). Une adversité qui n’a rien de redoutable et qui devrait permettre aux Bleus d’entrer sereinement dans la compétition, en permettant notamment à Elohim Prandi de retrouver du rythme, lui qui a obtenu de justesse le feu vert médical il y a une semaine pour rejouer normalement après sa sérieuse blessure à l’épaule. «On joue des équipes que l’on rencontre très rarement, avec des styles de jeu un peu atypiques, peu de références», tempère cependant Guillaume Gille. «Est-ce que pour autant un tapis rouge se déroule devant nous ? On aura besoin de faire des efforts, d’être performant et cette montée en puissance ne se fera que si on est capable de poser les briques les unes sur les autres pour aller plus loin».

Et la suite – probablement la Hongrie, les Pays-Bas et la Macédoine du Nord – laisse une voie a priori dégagée vers les quarts de finale. Voire plus si affinités. Et si remise en ordre d’un jeu clairement déficient. «C’est vrai qu’on a l’impression, et c’est normal j’imagine au vu de ce qu’on a montré aux Jeux, qu’on a parlé beaucoup d’individualités, beaucoup d’ego, peut-être de division», admet Prandi. «Je pense que dans toute vie de groupe, parfois, il y a des choses qui font que ça marche un peu moins. On a su se remettre de tout ça, on a tous pris du recul. Chacun a fait son petit bonhomme de chemin tranquillement, ce dont il avait besoin. Et le stage après qui a suivi, j’ai eu l’impression qu’on a senti autre chose, beaucoup plus positif, beaucoup plus collectif. On est tous des grands joueurs dans nos clubs, mais on veut faire en sorte que le collectif ressorte encore plus et prime davantage

Aymeric Minne FREDERICK FLORIN / AFP

Une nécessité, donc, de mettre les ego de côté pour tirer tous dans le même sens, après une bonne discussion à en croire Fabregas. «Je pense qu’on a échangé sur les points qui nous semblaient importants, de manière à bien démarrer cette nouvelle aventure et, en même temps, trouver des axes de progression. On peut toujours être dans l’amélioration, dans l’évolution, dans la progression, que ce soit à titre individuel ou collectif. Et c’est important aussi de se dire certaines choses de manière à continuer d’avancer. Au final, l’apprentissage ne s’arrête jamais. Et je pense qu’au vu de la qualité qu’on a, de se dire les choses est quelque chose qui est important. J’ai la sensation qu’on est prêts à avancer ensemble et à se dire les choses quand elles ne sont pas forcément joyeuses, mais aussi quand elles sont belles. Il faut savoir profiter de ces moments-là, parce qu’on vit aussi des aventures humaines qui sont très fortes.» A voir si celle du Mondial 2025 s’achèvera sur un 7e titre mondial, huit ans après le dernier.