Mer Rouge : un destroyer américain abat de nouveau un drone houthis
Dans l’étroite mer Rouge qui relie la mer Méditerranée à l’océan Indien, les attaques de drones houthis se poursuivent inlassablement depuis le début de la guerre en Israël et le Hamas, menaçant le trafic commercial le long de cette artère commerciale stratégique. Samedi vers 11h30 (heure de Paris), un «véhicule aérien sans pilote» lancé depuis les territoires contrôlés par les rebelles Houthis au Yémen a été abattu en «état de légitime défense» par le destroyer américain USS Laboon au sud de la mer Rouge dans les eaux internationales, a annoncé sur X (anciennement Twitter) samedi en début de soirée l’US Central Command (CENTCOM), responsable des opérations militaires américaines au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud.
«Aucune victime ni aucun dégât n'ont été signalés», a ajouté l’US Navy, précisant que l’incident avait eu lieu «à proximité de plusieurs navires commerciaux». Plus d’une vingtaine d’attaques ont eu lieu depuis la mi-octobre quand les rebelles Houthis, qui font partie de l’«arc de résistance » dominé par l’Iran, ont annoncé leur soutien au Hamas, le groupe terroriste palestinien responsable des attaques du 7 octobre en Israël. Spectaculaire, la première attaque, le 19 octobre, avait consisté en une salve de quatre missiles de croisière et d’une quinzaine de drones, interceptés par un autre destroyer américain, l’USS Carney.
Mission commando
Le 30 octobre, une autre salve comprenant également au moins un missile balistique houthi Qader - dérivé du Shahab 3 iranien - est tiré vers la ville israélienne d’Eilat. Un intercepteur Arrow 2 block 4 israélien parvient à l’intercepter, possiblement au-dessus des couches de l’atmosphère selon le quotidien Haaretz, ce qui ferait de ce duel le premier «combat spatial» de l’histoire. La bataille de la mer Rouge ne se déroule pas seulement dans les airs : le 19 novembre, un hélicoptère déploie un commando houthi à bord du tanker allemand Galaxy Leader qui est détourné vers le port yéménite d’al-Hodeïda. Les images font le tour du monde.
Les États-Unis et Israël ne sont pas les seuls protagonistes puisque, le 10 décembre, la frégate Languedoc intercepte grâce à ses missiles anti-aériens Aster deux drones houthis qui la visaient. Deux jours plus tard, elle en abat un troisième qui menaçait le tanker norvégien Strinda, malgré tout endommagé par un missile de croisière. Le 16 décembre, c’est au tour de la Royal Navy d’intervenir pour la première fois : le destroyer HMS Diamond abat un drone en provenance du Yémen.
Coalition navale
Malgré l’écrasante supériorité navale occidentale en mer Rouge - les États-Unis disposent à quelques encablures de là d’un groupe aéronaval, dans le golfe Persique -, la guérilla que mènent les Houthis affecte profondément le commercial maritime. En cascade, les grands armateurs - BP, CMA-CGM, Evergreen, Maersk, MSC - annoncent quitter cet axe stratégique pour reprendre le chemin historique du cap de Bonne-Espérance, passage obligé avant la construction du canal de Suez. Le détour fait perdre en moyenne entre 10 et 20 jours aux navires. L’escalade du conflit entre Israël et le Hamas se joue ainsi en mer, via le «proxy» de l’Iran que sont les rebelles Houthis, tandis que, sur terre, la menace d’un nouveau front entre Israël et le Hezbollah - un autre «proxy» iranien - est jusqu’à présent contenue.
En réaction, les États-Unis ont annoncé le 18 décembre le lancement de l’opération «Gardien de la prospérité » afin de protéger le trafic maritime en mer Rouge. Le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, annonce la participation d’une «vingtaine de pays». Elle est en réalité beaucoup plus modeste... Le Royaume-Uni dispose déjà d’un destroyer sur zone. La Grèce et le Danemark annoncent l’envoi d’une frégate chacun. Également présente dans la région, la France participe à la sécurisation, mais hors de cette coalition. L’Australie, la Norvège et les Pays-Bas ont envoyé une poignée d’officiers en soutien. Le principal, néanmoins, reste la présence américaine. Dans le courant du mois de décembre, les compagnies maritimes ont commencé de reprendre prudemment le chemin de la mer Rouge, au compte-goutte.
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À raison. Le 31 décembre, deux missiles balistiques sont tirés vers le porte-conteneurs danois MV Maersk Hangzhou, également attaqué par trois puis de nouveau quatre vedettes houthis. Des hélicoptères du groupe aéronaval américain USS Dwight D. Eisenhower interviennent et finissent par couler trois embarcations adverses. À l’issue de cet incident, Maersk a suspendu pendant 48 heures ses opérations en mer Rouge. Le 5 janvier, le groupe danois a derechef annoncé quitter «jusqu’à nouvel ordre» ce passage stratégique par lequel transite 12% du commerce mondial. Deux jours plus tôt, le chef de l’Organisation maritime internationale (OMI), Arsenio Dominguez, déclarait lors d’une réunion du conseil de sécurité de l’ONU qu’à ce jour, «18 transporteurs maritimes avaient décidé de dérouter leurs navires autour de l’Afrique du Sud». La bataille de la mer Rouge est encore loin d’être finie et pénalise toujours «la prospérité» d’une bonne partie des pays du monde.