Après les provocations de Musk, la Commission européenne muscle son enquête sur le réseau social X

Aux provocations d’Elon Musk sur les futures élections législatives allemandes, la Commission européenne répond par une investigation accrue sur son réseau social X. Ouverte le 18 décembre 2023 au nom du Règlement sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA), cette enquête lancée sur les possibles dérives et dangers de la plateforme sociale va davantage se pencher sur le fonctionnement des algorithmes de recommandation de X, qui décident des messages mis devant les yeux des utilisateurs.  

«Aujourd’hui, nous prenons de nouvelles mesures pour faire la lumière sur la conformité des systèmes de recommandation de X avec les obligations liées au DSA», a annoncé la commissaire européenne à la Souveraineté technologique, Henna Virkkunen. «Nous nous engageons à veiller à ce que toutes les plateformes opérant dans l’UE respectent notre législation, qui vise à rendre l’espace en ligne sûr et démocratique pour tous les citoyens européens.»

Concrètement, les enquêteurs réclament à X l’accès, d’ici au 15 février, à sa documentation interne quant au fonctionnement de ses algorithmes de recommandation et sur toutes leurs mises à jour récentes. Elle donne ordre à l’entreprise de conserver tous les documents sur les changements à venir de son système de recommandation pour l’ensemble de l’année 2025. Enfin, elle ordonne l’accès à certaines interfaces techniques (API) pour faciliter ses investigations.

Appels à une réponse ferme

Cette enquête pourrait répondre à une question devenue pressante au sein de l’Union : Elon Musk détourne-t-il son réseau social pour mieux déstabiliser le Vieux continent ? «Elon Musk soutient l’extrême droite partout en Europe, en Grande-Bretagne, en Allemagne et dans de nombreux pays. C’est inacceptable et cela met en danger le développement démocratique de l’Europe», a dit ce vendredi le chancelier allemand Olaf Scholz lors d’une conférence de presse. «L’internationale réactionnaire, comme l’a dit le président Macron il y a quelques jours, (...) menée par l’homme le plus riche de la planète, attaque ouvertement nos institutions, incite à la haine et appelle ouvertement à soutenir les héritiers du nazisme en Allemagne lors des prochaines élections», avait déclaré le 8 janvier le premier ministre espagnol Pedro Sanchez.

Le patron de Tesla et SpaceX, devenu proche conseiller de Donald Trump, appelle bruyamment à la victoire du parti d’extrême-droite AFD aux élections législatives allemandes du 23 février. Jeudi dernier, il a discuté avec Alice Wiedel, cheffe de l’AFD et candidate à la chancellerie, en direct sur son réseau social. Il multiplie les messages de soutien à l’AFD sur son compte personnel, suivi par 212 millions d’internautes. X est accusé d’amplifier la portée des messages de son actionnaire et de les mettre sous les yeux des utilisateurs qui ne le suivraient pas encore. L’enquête bruxelloise permettrait de vérifier ce point, ainsi que de déterminer si l’exposition de la conversation avec Alice Wiedel a ou non été amplifiée en Europe.

La Commission a répété à plusieurs reprises qu’Elon Musk avait le droit d’avoir ses opinions, qui relèvent de sa liberté d’expression. Mais sa plateforme se retrouverait en infraction avec le DSA si le fonctionnement de ses algorithmes représentait un danger. Les voix au Parlement européen se sont multipliées ces derniers jours pour enjoindre l’exécutif à répliquer fermement face à ce qui est perçu comme des ingérences. La Commission «doit actionner sans délais ses pouvoirs d’investigation pour vérifier que les algorithmes qui peuvent pousser de façon arbitraire et orientée certains propos, n’ont pas été conçus ou modifiés dans ce but. Elle en a même l’obligation »avait déclaré le 8 janvier aux Echos l’ancien commissaire au Marché intérieur Thierry Breton. Il semble avoir été écouté.