La chorégraphe belge Miet Warlop emballe la Biennale de la danse de Lyon

Magistrale Miet Warlop, qui signera le pavillon belge à la prochaine Biennale de Venise et trouve à merveille sa place à la Biennale de Lyon. Avec son Inhale Delirium Exhale, l’artiste de 47 ans, plasticienne de formation, orchestre une succession d’images surprenantes. On est intrigué et emporté par ce qui se donne à voir et à entendre et qui fonctionne à la fois comme un émerveillement et une révélation. Le thème ? Le rideau, celui qui, au théâtre, permet de passer à autre chose.

Ici, on inhale, on exhale, comme pour se calmer, mais la respiration ne fait pas « rideau » sur les pensées : au contraire, elles délirent, prennent tout l’espace de la scène et tout l’espace mental. L’artiste figure les pensées par d’immenses rouleaux de tissus pendus aux cintres. Couleurs franches et reflets trompeurs. Manipulées par six interprètes aux corps plus ou moins malmenés par ces torrents de soie, les étoffes vont danser leur potentiel de métaphores.

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Carillon à tubes

Un rideau bleu d’abord, ciel fluide immense et vertical que des percussions gonflent de leurs uppercuts. Danse furieuse de la soie pommelée de coups. Perchés là-haut, des rouleaux entiers se dévident, emballés par leur mouvement, soies bleues ou blanches engloutissant scène et salle de dizaines de mètres de tissus que les danseurs vont rembobiner. L’un d’eux, moulé dans un pan de nuit fluide, chausse des stilettos, laisse dépasser une jupe blanche, pli contre pli, et la danse des pieds fait vibrer l’étoffe jusqu’au ciel.

Après la verticale, l’horizontale est déployée en murs de soie orange qui sinuent en tours et détours. Puis on passe au sol, avec des tapis sur lesquels les danseurs font leur gymnastique, s’écartant de justesse lorsque les bobines métalliques des rouleaux tombent brutalement. Hissées dans les cintres, elles forment un gigantesque carillon à tubes. Les étoffes se font encore vagues dans un bruit de ressac, suaires, bandages, drapeaux défaits tandis que des canons envoient voler étoffes et trombes d’eau.

Pour achever son délire, Warlop juxtapose l’envers du décor. Le danseur apparu de face, moulé dans son pan de nuit noire, est maintenant de dos, aveuglé par une soie noire. Moment d’angoisse qui rejoint la première image lorsqu’un duo joue à véli-vélo en se tapant les mains qui se cassent dans un bruit de plâtre. Fascinante réflexion sur les jeux qui nous obsèdent et la distance avec laquelle nous contemplons nos émotions à moins qu’elles ne nous happent, nous laissant incapables de les replier à la taille d’un mouchoir.

Inhale Delirium Exhale, à la Villette (Paris 19e), jusqu’au 4 octobre puis en tournée.