«Des pratiques inacceptables persistent» : le médiateur de l’énergie épingle trois fournisseurs

Trois cartons rouges et un jaune. Le médiateur national de l’énergie, Olivier Challan Belval, distribue les mauvais points aux fournisseurs de gaz et d’électricité qui ne jouent pas le jeu. Il distribue aussi les félicitations ce qui est moins souvent souligné, mais mérite pourtant de l’être.

La baisse des prix du gaz et de l’électricité par rapport au pic de 2022/2023 a quelque peu détendu les relations entre les clients et les fournisseurs. Si le nombre de litiges enregistré en 2024 par le médiateur a été en légère hausse (29.462 précisément, contre 27.350 un an plus tôt) le nombre de saisines reçues est en baisse, tout comme celui de saisines recevables passées de 8894 à 7142 en un an. Une tendance globale satisfaisante, mais qui ne doit pas faire oublier les dysfonctionnements encore (trop) nombreux. Ainsi, 30% des saisines portent sur les prix de l’énergie, part qui grimpe même à 50% pour les petits professionnels et les copropriétés.

Les cartons rouges

Wekiwi fait figure de récidiviste avec un troisième rouge pour la troisième année consécutive. Ce fournisseur de gaz et d’électricité affiche même le taux de saisine le plus élevé du marché (0,81%), «25 fois plus élevé que le taux moyen de l’ensemble des fournisseurs», souligne le rapport. Les exemples croustillants ne manquent pas. Contrats sans mention du prix (!), démarchages abusifs, modification de prix pour des contrats à prix fixe. «Il existe même des situations dans lesquelles le fournisseur Wekiwi n’a pas répondu aux demandes répétées de ses clients de connaître le prix de leur énergie, qui ne leur avait pas été communiqué avec le contrat», souligne le médiateur dans son rapport. Autant de manquements qui ont valu à Wekiwi d’écoper d’une amende de 130.000 euros infligée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Après des années de mauvaises pratiques, le fournisseur a reconnu ses torts, mais le médiateur de l’énergie «continuera à surveiller» ses pratiques en 2025.

Primagaz, fournisseur de gaz de pétrole liquéfie (GPL), reçoit lui un carton rouge pour ne pas avoir réussi «à résoudre les dysfonctionnements générés par les changements qu’il a apportés à son système d’information à la fin de l’année 2023». Conséquence, le nombre de demandes de médiation a été multiplié par cinq en un an , pour passer de 89 à 441. La tendance ne semble pas s’arranger, puisque sur les trois premiers mois de l’année 2025, 200 plaintes ont déjà été enregistrées. Retards de livraison particulièrement pénalisants en hiver, contrats bloqués, service clients «fréquemment injoignable», espace client en ligne «souvent hors service». Or, il est très difficile de changer de fournisseur de GPL. Cela « entraîne des démarches spécifiques (frais de pompage, enlèvement de la citerne) et des frais de résiliation particulièrement élevés, représentant le plus souvent plus de 1500 euros», note le médiateur.

JPME présente un cas de figure particulier. C’est un fournisseur d’électricité qui ne paye pas ses clients. L’entreprise s’adresse aux petits producteurs d’électricité photovoltaïque à qui elle propose de racheter la part d’électricité qui n’est pas autoconsommée. L’année dernière, 188 saisines ont été déposées pour retards ou défauts de paiement, «sans que son service clients n’instruise les réclamations qui lui étaient adressées, ni même réponde tout simplement au téléphone à ses clients». JPME a même tenté de se soustraire au médiateur de l’énergie en orientation ses clients mécontents vers le service «médiation» d’une association, le Groupement des particuliers producteurs d’électricité photovoltaïque (GPPEP). En dépit des interventions du médiateur, JPME n’a pas redressé la barre. Pire, au cours des trois premiers mois 2025, 250 demandes de médiation ont déjà été déposées.

Carton jaune pour Enedis

En 2023, le médiateur avait infligé un carton rouge à Enedis, qui avait fait son mea culpa et promis de redresser la barre. Un an plus tard, «le suivi des recommandations du médiateur national de l’énergie par Enedis s’est amélioré» note le médiateur. Mais le nombre de saisines l’impliquant directement a augmenté, passant de 967 à 1182 en un an ! Oliver Challan Belval considère qu’il s’agit «d’un refus de coopérer en toute transparence à la médiation». Délais de raccordement trop long au réseau de distribution d’électricité, des renouvellements compliqués des colonnes montantes dans les immeubles, des retards pour la réparation et la maintenance des ouvrages... les exemples ne manquent pas. Comme celui d’un ménage titulaire d’un ancien contrat EJP (effacement jour de pointe, souscrit chez EDF). Las, une journée de pointe n’est pas signalée sur le compteur. Conséquence, la facture des intéressés s’envole. Ils sont renvoyés de formulaire en ligne - qui ne fonctionne pas - en courriels envoyés par une adresse à laquelle il est impossible de répondre! Un accord sera finalement trouvé treize mois plus tard... avec EDF.

«L’entreprise est évidemment à l’écoute pour trouver les solutions les plus adaptées en cas de réclamation afin d’éviter les litiges, rétorque Enedis. Aujourd’hui, 87,5% de clients d’Enedis se déclarent satisfaits, un chiffre qui progresse par rapport à 2023 (86,8%)».

Félicitations pour GRDF

Les compliments sont rares, ce qui les rend précieux. Dans son rapport, Olvier Challan Belval prend soin de saluer «le taux de suivi à 100 % des recommandations du médiateur national de l’énergie par le gestionnaire de réseau de gaz GRDF , qui est le reflet d’une attitude toujours constructive en médiation». Il souligne aussi que le carton rouge attribué en 2020 à TotalEnergies «l’a conduit à prendre les mesures permettant d’améliorer aussi bien son service clients que le traitement des litiges en médiation».

Le site du médiateur permet, avant de signer un contrat avec un fournisseur, de comparer les prix, mais aussi d’avoir une indication sur le taux de saisine. Sur le podium des plus mauvais élèves en taux de saisine figure Wekiwi (810 pour 100.000), loin devant Eni/Plénitude et Ekwateur, respectivement 99 et 54 saisine pour 100.000 contrats résidentiels. Engie figure à la sixième place de ce classement (38).

À l’opposé, Ilek est sur la première marche du podium des meilleurs élèves, avec un taux de 8 saisines pour 100.000, suivi par Octopus Energy (11) et Enercoop (12). TotalEnergies est au pied du podium (20) suivi par La Belle énergie (21) et le poids lourd du secteur, EDF (22).