Avec ou sans permis, comment les micro-voitures électriques sont devenues «sexy»
Dans les allées du Mondial de l’Auto, elles tranchent avec les imposants SUV, les luxueuses berlines chinoises aux dimensions impressionnantes, ou encore le monstrueux Cybertruck de Tesla. Les micro-voitures - en majorité électriques - ont pourtant décidé de ne pas se laisser marcher sur les pieds. Oubliés le design minimaliste et l’image ringarde et bas de gamme, ces voiturettes, avec ou sans permis, font leur révolution. Et profitent en France d’un retour en grâce inattendu, en particulier auprès des adolescents, sur lequel elles veulent surfer pendant le salon parisien. «On veut inscrire la micro-mobilité dans l’imaginaire collectif», lance Denis Mergin, PDG d’Eon Motors.
L’entreprise basée dans les Alpes-de-Haute-Provence, qui a lancé à l’occasion du Mondial de l’Auto son premier modèle à destination des particuliers, est présente à Paris aux côtés de plusieurs autres nouveaux constructeurs de micro-voitures électriques, comme Microlino ou Kilow. Ainsi que les deux marques françaises historiques de voitures sans permis, Ligier et Aixam. Sans compter Mobilize, la marque du groupe Renault dédiée aux nouvelles mobilités, qui présente ses deux futurs modèles, successeurs du Twizy. Sur le stand Citroën, est par ailleurs exposée la voiturette de la marque aux chevrons, l’Ami, lancée il y a quatre ans et en tête des ventes. Pour l’occasion, une tour de trois Citroën Ami accueille les visiteurs. Est également présenté l’Ami version 2025, au design repensé. Avec sa Topolino, Fiat, autre marque du groupe Stellantis, s’est également récemment lancé sur ce marché avec succès.
Un marché qui a doublé en cinq ans
Du côté des constructeurs historiques de voiturettes, on ne voit pas d’un mauvais œil l’arrivée de cette nouvelle concurrence, qu’elle soit issue de mastodontes de l’automobile ou de petits néo-constructeurs, qui fleurissent depuis quelques années. «Au contraire, cela donne plus de visibilité au marché et montre qu’on existe. Les gros constructeurs, notamment, apportent leur force de frappe marketing. Et puis la compétition fait progresser tout le monde», estime François Ligier, PDG du groupe éponyme, qui se félicite que la micro-voiture soit en train de changer d’image. Pour preuve, le marché de ces voiturettes électriques - avec ou sans permis -, même s’il reste de niche, est en pleine expansion. «Le marché a progressé de 20% depuis un an, et a doublé sur les cinq dernières années», rapporte François Ligier. Selon les chiffres de Mobilians, organisation patronale des professionnels de la mobilité, 26.000 immatriculations neuves ont été enregistrées en 2023, «soit 1,4% des ventes totales de véhicules neufs».
Pour le patron de Ligier, les raisons de cette croissance sont à aller chercher du côté du design de ces véhicules, désormais «plus assumé». Sur le stand de Mobilize, on met notamment en avant les lignes «audacieuses» et «futuristes» de ses modèles Duo et Bento, commercialisés à partir de 2025. «La plus stylée des microcars» est même l’un des slogans affichés par la marque suisse Microlino sur son stand. «On veut rendre la micro-voiture sexy, désirable pour que les gens la conduisent», explique Rémy Dumont, directeur France de l’entreprise, qui a lancé son offensive sur l’Hexagone l’an passé. Pour cela, la marque créée fin 2022 a fait le pari d’utiliser la «structure d’une vraie voiture», et d’un design à l’italienne, aux faux airs de Fiat 500.
«Répondre aux usages de tous les jours»
«Les voiturettes se sont transformées», se félicite François Ligier, qui met en avant «la diversité de l’offre aujourd’hui» grâce à toutes ces marques. Sur le salon, on retrouve par exemple, juste à côté de Microlino, la marque Kilow. «On a voulu créer la voiture la plus simple possible», relate le directeur de la marque, Bertrand Breme, en présentant sa «Bagnole». Eon Motors, lui, propose un véhicule fermé, «le plus spacieux de la catégorie», affirme son PDG Denis Mergin. La marque Kate est sur un créneau plus haut de gamme, avec un design rappelant les voitures de plage des années 60. Metacar fait le pari «d’une voiture qui s’emboîte», destinée à l’autopartage. Toutefois, qui dit micro-voitures ne dit pas forcément micro-prix. La plus économique du marché, la Citroën Ami, est proposée à partir de 7990 euros. Mais il faut compter 9890 euros pour une Fiat Topolino, 11.499 euros pour la Ligier Myli, 14.299 euros pour l'Aixam eCity Pack et même 17.990 euros pour la Microlino.
Si toutes ces marques de micro-voitures électriques ont des stratégies différentes, elles défendent la même vision de la mobilité. «On veut devenir le véhicule principal pour les trajets du quotidien. Les besoins spécifiques, comme partir en vacances, étant remplis par un autre véhicule, plus grand», soutient Rémy Dumont, de Microlino. Expert du secteur automobile, Guillaume Crunelle voit lui aussi la micro-voiture électrique comme «le chaînon manquant de la mobilité urbaine». «Sauf qu’elle correspond à une proposition de valeur qui est à l’opposé de celle de la voiture historique, vue comme un couteau suisse», concède l’associé au sein du cabinet Deloitte. «Mais elle aura sa place dans quelques années quand les générations auront bougé», anticipe le spécialiste de l’industrie auto.
Les acteurs de ce nouveau marché y croient. Pour mieux défendre leurs intérêts et se structurer, une quinzaine de constructeurs de micro-voitures électriques ont décidé de se rassembler et de créer une branche dédiée au sein du syndicat Mobilians, annoncée ce jeudi. Parmi ses dossiers les plus urgents figurent «un travail réglementaire», ainsi qu’ «un chantier fiscal», indique Denis Mergin. «On veut une équité fiscale», lance le patron d’Eon Motors, soulignant que le bonus écologique pour ce type de voitures ne s’élève aujourd’hui qu’à 900 euros, contre 4000 euros pour les véhicules légers électriques. Pas une mince affaire, alors que le gouvernement prévoit dans son budget 2025 une baisse des aides de l’État pour l’achat d’une voiture électrique.