Vagues de chaleur et inondations dévastatrices : 2024, année de records et de contrastes en l’Europe


Les dix dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées et 2024 n’a pas fait exception, établissant un record au niveau mondial mais aussi à l’échelle de l’Europe. Chaleurs étouffantes, inondations monstres… Dans le rapport « European State of the Climate 2024 » publié le 15 avril, le Service Copernicus pour le changement climatique (C3S) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dressent le portrait d’un continent qui se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne globale.

Record de chaleur

2024, première année à dépasser le seuil d’1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle au niveau mondial, fut aussi la plus chaude en Europe où la hausse des températures est estimée à 2,4°C par rapport à la période 1850-1990. En moyenne sur l’ensemble du continent, 45 % des jours de l’année ont été beaucoup plus chauds que la moyenne et environ 12 % ont été les plus chauds jamais enregistrés. « Le sud-est du continent a notamment connu 43 jours de vague de chaleur sur 97 entre juin et septembre », a précisé Samantha Burgess, directrice adjointe du Service changement climatique (C3S) de Copernicus, lors d’une conférence de presse.

Même constat sur terre qu’en mer: sur l’ensemble de l’année, la température de surface des océans a été la plus élevée jamais enregistrée dans la région européenne (0,7 °C au-dessus de la moyenne). Idem pour la mer Méditerranée (1,2 °C au-dessus de la moyenne).

Perte de glaces record

Toutes les régions d’Europe sont concernées par le déclin des glaciers dû au réchauffement climatique, mais ceux de Scandinavie et du Svalbard ont connu l’an dernier les reculs les plus forts jamais enregistrés, avec une perte moyenne d’épaisseur de glace de 1,8 m en Scandinavie et de 2,7 m au Svalbard (où la température moyenne a dépassé les +2,5 °C de réchauffement). Et « 2024 a été une autre année exceptionnelle dans les Alpes, avec une perte moyenne d’épaisseur de glace de 1,2 m », selon le rapport, qui rappelle qu’au cours de la dernière décennie, l’Europe centrale est l’une des régions du monde où le recul des glaciers est le plus rapide. À titre d’exemple, en France, le glacier alpin de Sarenne, qui a aujourd’hui pratiquement disparu, a perdu 93 % de son volume entre 1971 et 2015. Celui de Cavagnoli, en Suisse, 83 %. Cette fonte est l’un des principaux moteurs de l’élévation du niveau des mers : en Europe, elle atteint entre +2 et +4 mm annuellement depuis le début du siècle.

Inondations dévastatrices

En 2024, l’Europe a connu les inondations les plus étendues depuis 2013. Comme l’indique Florence Rabier, directrice générale du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), « près d’un tiers du réseau fluvial a dépassé le seuil d’inondation élevé » au cours de l’année, tandis que 12 % ont dépassé le seuil d’inondation « grave ». Parmi les événements les plus marquants, la tempête Boris en septembre a frappé des centaines de milliers de personnes dans de nombreux pays de l’est comme l’Allemagne, la Pologne, l’Autriche, ou la Hongrie. Fin octobre, l’Espagne a quant à elle connu des précipitations et des inondations dévastatrices qui ont fait 235 morts dans la province de Valence. « Valence  n’est pas un cas isolé, estime Carlo Buontempo, directeur du C3S. Les inondations qu’a connues l’Europe l’an dernier étaient pour beaucoup liées à des précipitations très intenses et localisées qui peuvent être alimentées par la température élevée de l’atmosphère ». Chaque degré supplémentaire de réchauffement augmente en effet de 7 % la teneur maximale en eau de l’atmosphère, ce qui favorise les pluies intenses. « Les trois dernières décennies en Europe ont connu le plus grand nombre d’inondations des 500 dernières années », et c’est « l’une des régions où l’on prévoit la plus forte augmentation » de ce risque au fur et à mesure que la planète se réchauffe, indique le rapport en s’appuyant sur les données du Giec.

Coût humain élevé

Tempête, inondations… Le bilan humain est lourd: au moins 335 victimes et environ 413 000 personnes directement affectées. Le nombre de décès liés à la chaleur n’est pas encore connu, mais les auteurs du rapport rappellent qu’il était estimé à « environ 47 700 en Europe en 2023 ». Pour l’an dernier, les dégâts liés aux catastrophes climatiques sont estimés à 18,2 milliards d’euros, dont 85 % attribués aux inondations. Dans une section consacrée à la résilience, les auteurs notent un fait « encourageant » : 51 % des villes européennes disposent désormais de plans d’adaptation dédiés contre 26 % en 2018.

Contrastes « frappants »

Autre spécificité de 2024, « le contraste est-ouest frappant », avec des conditions extrêmement sèches et souvent des records de chaleur à l’est, tandis qu’à l’ouest prévalaient des conditions plus nuageuses, humides et moins chaudes. Cet écart « peut s’expliquer par la circulation atmosphérique », note Samantha Burgess : « des systèmes de haute pression ont été fréquemment positionnés sur l’Europe de l’est, ce qui a entraîné une diminution des nuages et des précipitations. Et un ciel plus clair a permis un réchauffement solaire plus important, entraînant des conditions plus chaudes que la moyenne ». À l’inverse, l’Europe occidentale s’est souvent retrouvée sous l’influence de systèmes de basse pression qui apportaient fréquemment des tempêtes atlantiques, entraînant des conditions humides, nuageuses et relativement fraîches. Peut-on lier cet écart est-ouest au changement climatique ? « On ne peut pas l’affirmer, répond Samantha Burgess. Les contrastes à travers l’Europe sont très fréquents mais normalement il s’agit davantage d’une division nord-sud. »

Déficit d’ensoleillement en France

En Europe occidentale, «des anomalies négatives généralisées de la durée d’ensoleillement et du rayonnement solaire de surface ont été observées», souligne enfin le rapport. Et c’est en France que ce phénomène a été le plus marqué avec 350 heures d’ensoleillement en moins par rapport à la moyenne. Un constat partagé par Météo France, qui confirmait il y a quelques semaines que la France a connu en 2024 le plus grand déficit d’ensoleillement depuis 30 ans, et une couverture nuageuse logiquement plus importante que la moyenne. Mais là encore, pas de tendance à long terme dans les données montrant que l’Europe de l’ouest devient plus nuageuse au fil du temps, indique Samantha Burgess : « 2024 était inhabituellement peu ensoleillée alors qu’en 2023, nous avons enregistré une durée d’ensoleillement record tout au long de l’année. Il s’agit donc d’un très bon exemple de la diversité du système climatique ».