«Mon commandant, regardez !» : l’étonnant dialogue dans le QG des Gardiens de la Révolution lors du tir de missiles contre Israël
La pièce est vieillotte. Derrière des bureaux en forme de «U», trône au fond de celle-ci une affiche représentant les visages en majesté d’Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, d’Ismaïl Haniyeh, le chef politique du Hamas, et du général iranien Abbas Nilforoushan, le numéro 2 du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, tous trois récemment éliminés par Israël. Sous ce patronage funèbre, devant des paires de téléphones filaires, des écrans et une carte régionale, le général Hossein Salami, commandant de la puissante armée idéologique du régime, harangue ses officiers. «Mashallah ! Il n'y de pouvoir que celui d'Allah !», lance-t-il avec une exaltation soigneusement contenue.
«Mon commandant, mon commandant, regardez !» , s’esbaudit aussitôt un homme à sa droite, qui lève le bras et pointe du doigt le lancement des missiles balistiques iraniens vers Israël mardi. C’est en tout cas ainsi que cette séquence est présentée par les médias iraniens, notamment dans une vidéo publiée par le média «Iran Nuances» qui retransmet cette scène dont la dramaturgie assez kitsch peut surprendre. «Surréaliste», note notre confrère du Point Armin Arefi, qui a traduit en français les propos tenus par les Gardiens de la Révolution et qui évoque un «mélange de formules religieuses et de politesse à l’iranienne». «On dirait un croisement entre les Monty Python et 24 heures chrono», a réagi avec humour Bruno Tertrais, le directeur-adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), sur X.
À l’exultation de son subordonné, le général Salami répond avec le plus grand sérieux : «C’est très impressionnant.» «Il est parti ! Un autre !», ajoute-t-il, cédant un instant à l’humeur de son interlocuteur alors que deux nouveaux missiles viennent d’être tirés. Puis le commandant des Gardiens de la Révolution appelle au téléphone le président iranien, Masoud Pezeshkian. «Que Dieu vous apporte la force. Que je me sacrifie pour vous», lui assure-t-il en préambule, avant d’enchaîner : «Monsieur le docteur, Dieu merci, les 200 missiles tirés ont réussi. Tout ce que les Israéliens avaient concocté s’est effondré».
«Soyez en vie»
Et de s’enquérir de sa santé : «Soyez en vie». Le président a dû lui retourner cette prière car il répond à son tour : «Oui, nous sommes sur nos gardes, si Dieu le veut. Nous sommes prêts à donner des réponses encore plus fortes en sachant que nos drones sont prêts si Dieu le veut». Après ces réjouissances mêlées de crainte, vient le temps de raccrocher. «Excusez-nous de vous avoir dérangé en pleine nuit. Notre cœur est fort. Que Dieu vous bénisse, inshallah. Tous les frères ici vous passent le bonjour», assure le général Salami au président. Puis, il se retourne vers ses hommes et, avec un ton particulièrement respectueux, leur dit : «Messieurs, le docteur Pezechkian vous passe le bonjour à tous». «Priez pour nous. Que l’imam chiite Ali nous vienne en aide. Au revoir», conclut-il avant de raccrocher.
Les Gardiens de la Révolution avaient annoncé dès mardi que 90% des missiles avaient atteint leurs objectifs et qu’ils avaient occasionné des «dommages catastrophiques», notamment contre la base aérienne israélienne de Nevatim. La réalité est probablement bien moindre, même si des images satellite et des vidéos géolocalisées montrent que plusieurs dizaines de missiles - sur les 180 à 200 tirés - n’ont pas pu être interceptés par Tsahal et que plusieurs impacts ont été relevés à proximité ou au sein de sites militaires. Le bilan humain n’est que d’un seul mort civil, un Palestinien de Cisjordanie tué par la chute d’un missile intercepté.
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Depuis, Israël, qui multiplie les frappes et les incursions terrestres contre le Hezbollah au Liban - second front ouvert contre «l’axe de la résistance» chiite après la guerre à Gaza -, a annoncé qu’il répliquerait à l’attaque balistique iranienne, plus massive que celle qui avait déjà eu lieu au printemps 2024. «Les jours d’Israël sont comptés», a averti ce vendredi le Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, lors de sa prière hebdomadaire à Téhéran.