Top 14 : «On est montés à l’envers», pourquoi le Racing 92 n’y arrive pas dans son Arena

L’avantage de recevoir un match à domicile, le Racing 92 n’en profite pas cette saison. Le club des Hauts-de-Seine reste en effet sur quatre matches sans victoire (trois défaites et un nul) dans son Arena de Nanterre, qu’il a retrouvé en cours de saison après avoir débuté au stade Dominique-Duvauchelle de Créteil. Drôle de situation : le Racing est la pire équipe à domicile du Top 14 avec seulement trois victoires, un nul et cinq défaites pour seulement 17 points récoltés, alors qu’il est la troisième meilleure formation hors de ses bases avec 4 victoires et six défaites, avec 18 points glanés. Un mal récurrent. Depuis 2017 que le club ciel-et-blanc a pris possession de son enceinte ultra-moderne, il tourne à moins de 70% de victoires sur son gazon synthétique.

Un constat qui fait plutôt sourire l’entraîneur Patrice Collazo : «On est montés à l’envers. À l’extérieur, on est performants. À la maison, on n’est pas performants. C’est comme quand vous montez un meuble et qu’il vous reste des vis : vous mettez ensuite un truc dans ce meuble et il s’écroule. On est un peu comme ça. On va bien lire la notice et on va se remettre tout à l’endroit. Beaucoup de choses dépendent de nous. Le plus emmerdant, c’est quand ça ne dépend pas de nous. Je pense qu’il y a des choses qu’on peut maîtriser. Il y a des choses qu’on peut faire évoluer...»

Ce qu’on a observé cette saison à l’Arena, c’est que le Racing veut plus jouer que défendre

Demba Bamba

Les Ciel et Blanc sortent d’un gros combat qu’ils ont su remporter, in extremis, à Clermont. Un intense bras de fer durant lequel ils ont su être appliqués et ne pas s’affoler. Difficile d’expliquer un tel contraste. «Comment je l’explique ? C’est une question de mentalité, je pense, avance Collazo. Quel rugby veut-on jouer à l’Arena ? Avec quelle stratégie ? C’est une question de justesse et d’équilibre. Quand on est à l’extérieur, on est très équilibrés. Et je trouve que quand on est à la maison, on est déséquilibrés dans beaucoup de choses. Et ça ne vient pas que du match, ça vient aussi des dispositions dans lesquelles on se met toute la semaine quand on joue à domicile.»

Récemment, Cameron Woki avait reconnu que les changements permanents de stades - une fois à droite, une fois à gauche, une fois délocalisé - perturbaient les joueurs. «Le changement de stade, il est compliqué. On a l’impression de jouer à l’extérieur tout le temps, avait avancé le deuxième ou troisième ligne international. On manque un peu de stabilité en termes de matchs à domicile. Ce n’est pas le mieux pour nous. Mais ce sera bientôt fini.» Et d’insister : «Après Créteil, on rentrera chez nous, à Paris-La Défense-Arena...»

Sauf que le retour dans l’enceinte située derrière l’Arche de la Défense ne s’est pas vraiment passé comme prévu. Depuis la victoire contre Perpignan fin octobre, les Ciel et Blanc restent trois défaites (Castres, Vannes, Pau) et un match nul (Lyon). À chaque fois, dans des matches débridés et foufous, les protégés de Jacky Lorenzetti se sont pris les pieds dans le tapis. Pris à leur propre jeu. «Le tout est de savoir quelle disquette on met quand on joue à l’Arena. Faire de la dépossession, ce n’est pas possible à outrance. Avoir la surpossession, ce n’est pas possible non plus, détaille l’entraîneur francilien. Il faut qu’on arrive à faire un vrai match de rugby.»

Il faut qu’il y ait un cadre, on ne peut pas partir dans tous les sens. Sinon on tombe dans une forme de surconsommation. Et l’excès, on le paye cash

Patrice Collazo

Quand les équipes adverses viennent à Nanterre, elles savent que les conditions (enceinte fermée, pelouse synthétique) favorisent le rugby offensif, débridé. Ce qu’a confirmé cette semaine le pilier Demba Bemba, arrivé de Lyon à l’intersaison : «Avant de faire partie du groupe, j’avais observé que toutes les équipes qui viennent à l’Arena ont à cœur de faire le plus gros match de leur saison. C’est une salle de spectacle, ça fait envie. Quand je venais au Racing avec le LOU, je voulais faire une grosse prestation.» Attaquer est une chose, défendre en est une autre, Ce que les Racingmen oublient régulièrement. «Ce qu’on a observé cette saison à l’Arena, c’est que le Racing veut plus jouer que défendre, confirme Demba Bamba. On sait ce qu’on a à faire pour ne plus que ça se reproduise...» 

Sérieux et solide à l’extérieur, le Racing devient friable dans son enceinte où c’est régulièrement journée portes ouvertes. De quoi donner des idées à l’adversaire du jour, l’UBB et sa très offensive armada. «Il faut qu’il y ait un cadre, on ne peut pas partir dans tous les sens, insiste Patrice Collazo. Sinon on tombe dans une forme de surconsommation. Et l’excès, on le paye cash, on l’a vu. Bizarrement, quand on est à l’extérieur, on est hyper équilibré. Donc il faut qu’on y arrive.»

Le technicien passé par La Rochelle et Toulon appelle à une prise de conscience de ses troupes. «Beaucoup de choses dépendent de nous. Le plus emmerdant, c’est quand ça ne dépend pas de nous. Je pense qu’il y a des choses qu’on peut maîtriser, qu’on peut faire évoluer, avance-t-il. Si on fait évoluer notre mentalité, je pense que les choses vont rentrer dans l’ordre.»

Un avis partagé par l’ailier Donovan Taofifenua, de retour de blessure, qui a observé cela depuis l’extérieur. Selon lui, le problème, «c’était surtout l’attitude qu’on montrait sur le jeu sans ballon, les efforts qu’on faisait les uns pour les autres. Ça nous a un peu manqué sur les matchs à domicile. Stratégiquement, on a eu du mal à tous rester sur la même page : il y en a qui veulent beaucoup jouer, beaucoup taper, beaucoup occuper...» Et Patrice Collazo de poursuivre : «Si vous ne mettez que la disquette attaque, ça veut dire que quand vous n’attaquez pas, les autres marquent. Et si on prend 30 points, il faut en marquer 31... Si on en prend 40, il faut en marquer 41. Pour moi, ce n’est pas des matchs de rugby.»

Devenu spécialiste ces dernières saisons des opérations maintien (échec avec Brive et réussite avec Montpellier), l’entraîneur du Racing en appelle à la responsabilité des joueurs. «Aujourd’hui, il doit rester 73 jours jusqu’à la fin de la saison. Maintenant il faut compter en jours. Et 73 jours ramenés à 140 ans d’histoire d’un club, à une carrière de joueur de rugby ou à une saison, c’est que dalle, lance-t-il. Je pense qu’on est capable de se monopoliser, de se focaliser sur un laps de temps très court et de se mettre au service d’une institution, d’un collectif. Je ne suis pas inquiet sur ça.» Sept, c’est aussi le nombre de journées - dont quatre à domicile... - qu’il reste au Racing pour assurer son maintien en Top 14.