La France doit-elle se doter d’un ministère de l’Efficacité gouvernementale ? Si cette initiative de Donald Trump pour appliquer à son administration le pragmatisme économique cher à Elon Musk défraye la chronique, une version française du dispositif serait sans doute bien accueillie. C’est du moins ce que laisse présager le baromètre annuel de la confiance politique, publié cette semaine et réalisé par OpinionWay pour Sciences Po (CEVIPOF). Parmi les sondés, 62% font confiance aux entreprises privées. Un score bien au-delà de celui accordé aux institutions politiques.
Un écart en passe de s’accentuer après la crise politique dont le pays commence tout juste à se remettre. «Les entreprises sont des points d’ancrage, des repères dans un monde où beaucoup de certitudes s’effondrent», déclarait ainsi Pierre-André de Chalendar, président de l’Institut de l’Entreprise (IDEP) sur Radio classique jeudi matin. Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à opposer les entreprises aux représentants de la Nation. «Le débat politique des dix derniers mois en France n’est pas en phase avec les réalités, alors que les entreprises y sont bien plus soumises : elles ont une vision et elles savent où elles veulent aller.»
Perte de confiance dans la vie politique
Plus de trois quarts des Français (76%) font ainsi confiance aux petites et moyennes entreprises, et près de la moitié d’entre eux (48%) accorde leur confiance aux grandes entreprises privées. Ces dernières sont par ailleurs perçues comme un lieu de réussite par la moitié des sondés, qui estiment qu’ils ont plus de chances de réussir dans la vie en étant salarié du secteur privé. Ces niveaux sont comparables à ceux observés chez certains de nos voisins européens (Allemagne, Italie, Pays Bas) qui affichent une confiance supérieure à 50%. La différence s’accentue cependant de part et d’autre des frontières au sujet des institutions publiques. Ainsi, les Français accordent une confiance relativement élevée et stable au secteur privé, mais la note est particulièrement salée pour les institutions politiques.
Moins d’un quart des quelque 3500 répondants accorde sa confiance au gouvernement (23%). Même constat pour l’Assemblée nationale (24%), illustrant ainsi la perte de confiance dans le système démocratique. Les conseils municipaux et départementaux inspirent encore confiance à 50% des votants, mais souffrent tout de même d’une dégradation de leurs notes respectives depuis 2009. Au total, «seuls 16 % des citoyens accordent aujourd’hui leur confiance aux partis politiques (-4 points en un an), contre 36 % des Italiens, 34 % des Allemands et 23 % des Néerlandais», souligne l’IDEP (qui a participé à l’étude d’OpinionWay) dans un communiqué de presse.
Quelle place pour les entreprises ?
L’étude menée par OpinionWay n’éclaire pourtant pas quelle pourrait être la place concrète des entreprises dans la vie publique. Les questions demeurent générales : «avez-vous très confiance, plutôt confiance, plutôt pas confiance ou pas confiance du tout dans chacune des organisations suivantes…». Une confiance pour créer de la valeur et de l’emploi ? Innover ? Lutter contre la délinquance ? Former des enseignants ? L’IDEP estime de son côté que «l’entreprise a l’opportunité de jouer un rôle clé pour restaurer la confiance, en affirmant sa place au cœur des dynamiques économiques et sociales».
Affirmer cette place passerait notamment par une plus grande liberté accordée aux entreprises. L’institut souligne ainsi que «60 % des Français estiment (que l’État) devrait accorder davantage de liberté aux entreprises pour relever les défis économiques (+3 points).» Cette dernière estimation est en augmentation depuis 2023, lorsque la part des Français favorable à cette dérégulation était estimée à 53%.