Pour la première fois depuis le début du conflit, quatre corps d’otages israéliens décédés dans la bande de Gaza ont été remis par le Hamas à l’État hébreu jeudi 20 février. Parmi eux, se trouvaient les dépouilles des enfants Ariel et Kfir Bibas, âgés respectivement de quatre ans et huit mois et demi lors de leur enlèvement le 7 octobre 2023. Celle de leur mère, Shiri Bibas, devait également être remise à l’armée israélienne. Or, l’autopsie a révélé qu’aucun des quatre corps n’appartenait à Shiri Bibas, a annoncé Tsahal, dans la nuit de jeudi à vendredi, précisant qu’il s’agissait d’un «corps non identifié».
Cette découverte a provoqué la colère de Benyamin Netanyahou qui a rapidement pris la parole pour dénoncer la «cruauté sans limite des montres du Hamas». Le premier ministre israélien a également juré de faire payer l’organisation terroriste pour cette violation «cruelle» du cessez-le-feu. Le Hamas a ensuite reconnu que le corps de Shiri Bibas aurait pu être «mélangé par erreur avec d’autres sous les décombres».
C’est à la fin du processus d’identification des corps que l’équipe de l’Institut de médecine légale d’Abou Kabir, à Tel Aviv, s’est rendue compte qu’aucun des corps n’appartenait à Shiri Bibas. Ce processus complexe est composé de plusieurs examens réalisés par des pathologistes (des professionnels de santé en charge du prélèvement et de l’analyse des tissus et cellules biologiques, NDLR), des radiologues et des anthropologues de l’établissement, «tous assistés de la police israélienne», indique le quotidien Haaretz .
Dépouilles «méconnaissables»
Dans le détail, lorsque les dépouilles ont été admises dans l’Institut de Tel Aviv, elles ont été soumises à «des examens de tomodensitométrie», précise le journal israélien. «Il s’agit d’un scanner qui permet de détecter des lésions traumatiques sur les os et les tissus restants», explique Caroline Rambaud, médecin légiste et cheffe du service d’anatomie pathologique et médecine légale à l’Institut médico-légal de l’hôpital Raymond Poincaré à Garches. Les corps des otages ont aussi subi «d’autres examens d’imageries» ainsi qu’«une radiographie dentaire» afin de confirmer leur identité, ajoute Haaretz.
L’analyse dentaire est d’autant plus cruciale lorsque les dépouilles sont abîmées par le temps et qu’il ne reste plus beaucoup de tissus à prélever. Ici, les otages avaient été enlevés il y a un an et quatre mois. Le porte-parole de l’armée israélienne a indiqué qu’Ariel et Kfir avaient été tués dès novembre 2023, «sur la base des renseignements disponibles et des indicateurs de diagnostic». Ainsi, d’après ces informations, Caroline Rambaud estime que les corps devaient être «méconnaissables» mais que les spécialistes ont certainement pu faire des prélèvements à partir «de muscles et de restes de moelle osseuse du fémur» sur les corps des deux enfants Bibas. L’analyse des corps a par ailleurs permis d’établir que les jeunes frères ont été «tués à mains nues», a déclaré le porte-parole de l’armée israélienne.
Comparer l’ADN
Ces échantillons prélevés ont ensuite été envoyés aux laboratoires afin de «procéder à l’identification de l’ADN», poursuit Haaretz. «À ce jour, en l’état de nos connaissances scientifiques, nous ne pouvons identifier un corps qu’à partir d’une comparaison de l’ADN. Les spécialistes israéliens ont probablement comparé les échantillons des enfants avec le sang ou un bulbe pileux de leur père» libéré, en vie, le 1er février, détaille la médecin légiste. S’il a été possible d’affirmer qu’aucun des corps n’était celui de Shiri Bibas - l’ADN de sa famille ne correspondant pas à celui du corps - il est impossible d’identifier la dépouille qui était censée être celle de la mère de famille. «L’ADN ne porte pas de nom», conclut la spécialiste.
Ce processus d’identification des corps prend en général plusieurs heures, voire 24 heures pour les cas les plus complexes. Dans cette situation précise, les spécialistes ont établi leur diagnostic en moins d’une journée puisque les corps ont été remis à Tsahal en fin de matinée jeudi et que les résultats d’analyses sont tombés tard dans la soirée. Au-delà de la pression qui devait certainement peser sur les épaules des experts, ils ont pu aller plus vite grâce à de nombreux éléments. «Ils savaient déjà qu’il pouvait s’agir de deux enfants, ils connaissaient leur âge, donc approximativement leur taille, et qu’ils avaient les cheveux roux», énumère Caroline Rambaud.
Ce même processus sera répété lors de la prochaine remise de corps d’otages décédés dans la bande de Gaza. Quatre autres dépouilles doivent théoriquement être encore libérées d’ici la fin de la première phase de la trêve, qui s’achèvera le 1er mars. Pour l’heure, aucune date n’a été communiquée par le Hamas, qui a annoncé ce vendredi qu’il libérera six otages vivants samedi.