Déclaration de politique générale de François Bayrou : les patrons mi-figue mi-raisin
François Bayrou n’a pas oublié les entreprises dans son discours de politique générale. Estimant que l’heure était venue de se «ressaisir» pour adopter le plus rapidement les deux budgets - de l’État et de la sécurité sociale -, qui manquent toujours à la France pour 2025, le premier ministre a rappelé que tous payaient le «prix fort» de «cette précarité budgétaire». Dont les entreprises, qu’il a choisi de câliner face aux députés.
Regrettant le réflexe français de «cibler les entreprises» qui font «honneur à la France et contribuent à sa richesse», le chef du gouvernement a jugé qu’elles devaient «être prémunies contre des augmentations d’impôts et de charges» et que l’on se devait de «leur faciliter la tâche». Il a également annoncé son souhait de voir voté rapidement le projet de loi de simplification de la vie économique porté d’abord par Bruno Le Maire, puis par Guillaume Kasbarian - éphémère ministre de la fonction publique et de la simplification -, et désormais tombé dans l’escarcelle de son successeur, Laurent Marcangeli.
Un projet de loi qui «n’a que trop tardé» aux yeux de l’Union des entreprises de proximité (U2P) qui a salué «l’objectif d’une adoption rapide» proposée par le successeur de Michel Barnier. Partageant également «l’objectif d’un “puissant mouvement de débureaucratisation” et de simplification de la vie économique, impliquant effectivement les entreprises», le Medef a annoncé vouloir être «évidemment un acteur déterminé du “volontarisme économique” qu’appelle de ses vœux le premier ministre». Satisfait aussi de la volonté de François Bayrou d’une refondation de l’action publique, le principal syndicat patronal a tout de même cru bon d’insister «sur l’urgence de cette refondation (...) alors que notre pays atteint un niveau insupportable de 56% de dépenses publiques».
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Manque de précision
Alors que les mots doux du maire de Pau ont certes caressé certaines oreilles patronales, d’autres n’ont pu s’empêcher de s’avouer moins convaincues. À l’image de la Confédération des PME qui - face à la dérive des comptes publics -, n’a pas caché sa crainte qu’«un déficit fixé à 5,4% en 2025 ne soit pas à la hauteur des enjeux». Appréciant que le chef du gouvernement s’érige «en garant de la stabilité, indispensable pour redonner aux entreprises lisibilité et visibilité», l’organisation aux quelque 240.000 entreprises adhérentes a regretté un discours qui «manque singulièrement de précisions sur les moyens de parvenir» à réformer l’action publique et débureaucratiser. «Dans ce contexte, la CPME restera extrêmement vigilante pour éviter tout prélèvement obligatoire supplémentaire ou toute augmentation- directe ou indirecte - du coût du travail», a-t-elle prévenu.
Face à un premier ministre qui a dit la nécessité de «poursuivre les efforts en matière de revalorisation salariale», le réseau d’entrepreneurs Croissance Plus a aussi tenu à mettre en garde le gouvernement, annonçant s’opposer «à tout projet d’augmentation du coût du travail qui est parmi les plus élevés au monde et aurait pour effet de déclasser encore davantage notre économie et d’accroître le chômage». Une déclaration qui souligne les blessures toujours vives ouvertes par les débats budgétaires de l’automne, les patrons n’ayant pas particulièrement apprécié les velléités de hausse de la fiscalité ou du coût du travail intégrées au projet de loi de finances par le gouvernement précédent.
Une omission regrettable
Mais si certaines annonces ont pu faire tiquer dans les rangs patronaux, du côté des petites entreprises, on a jugé «de bon augure» «la volonté de François Bayrou de s’appuyer sur la concertation sociale pour revaloriser le travail, y compris les salaires». Et de préciser que «l’U2P ne manquera pas de défendre dans ce cadre la demande qu’elle porte depuis plus d’un an, visant à transférer une partie des cotisations sociales qui réduisent aujourd’hui le montant du salaire net vers d’autres sources de financement».
Le syndicat représentant les entreprises de proximité s’est par ailleurs ému d’une «omission (...) dans l’ambitieuse transformation du pays». «Nulle mention n’a été faite de l’immense tissu des petites entreprises», a souligné une U2P chiffonnée, qui a rappelé que «les TPE et PME ne peuvent être réduites au rôle de sous-traitantes des multinationales». Plus remonté encore, le syndicat des indépendants a assimilé la déclaration de politique générale à «un parfait exemple de méprise économique». Et pour cause, à leurs yeux, le chef de l’exécutif n’a envoyé «aucun signal positif qui pourrait leur redonner confiance et leur permettre d’investir, d’embaucher ou simplement de souffler un peu, après des années de difficultés accumulées». Faute d’avoir pu rassurer les TPE, le discours du premier ministre ne ferait finalement que «continuer à maintenir la prise en otage de nos entreprises».