REPORTAGE. "Je ne sais pas ce que je vais devenir" : à Kharkiv, des Ukrainiens craignent un nouvel hiver sans électricité à cause des attaques russes sur les infrastructures
En Ukraine, le pays se prépare à un hiver qui s'annonce difficile : dimanche 17 novembre, la Russie a commencé ses frappes contre les infrastructures énergétiques du pays et, désormais, 65% des capacités de production du pays sont détruites. À Kharkiv, deuxième ville du pays, à une trentaine de kilomètres de la frontière russe, les habitants craignent de passer un hiver sans chauffage ni électricité.
Dans le nord de la ville, Vitali peine à ouvrir sa porte. La maison de ce retraité a été gravement endommagée par une ogive, tombée en août dernier à une trentaine de mètres de là. "Cette porte est complètement foutue, il y a des courants d'air qui passent partout", déplore-t-il. Dans le corridor, Vitali, dépité, nous montre les blocs de polystyrène qui obstruent les trous dans les murs. Dehors, les premiers flocons de neige commencent à tomber. "L'hiver arrive, et je n'ai pas d'argent pour réparer ma maison, ajoute-t-il. Si les Russes coupent le chauffage, je ne sais pas ce que je vais devenir."
Certains sont prêts à fuir
Après trois années de guerre, la Russie a pris l'habitude de cibler les infrastructures énergétiques pour paralyser l'économie et démoraliser la population. "Les attaques russes laissent les habitants sans chauffage ni électricité, non seulement dans la région de Kharkiv, mais dans tout le pays, constate Ievgen Ivanov, adjoint au gouverneur de l'administration militaire de la région de Kharkiv. Croyez-moi, aucune défense au monde, même le meilleur système de défense antiaérienne, ne peut protéger contre des dizaines de missiles balistiques ou de croisière. Surtout à proximité du front."
Dans son appartement au neuvième étage d'un immeuble, Irina déballe devant nous ses sacs entassés près de la porte. "Nous sommes prêts à fuir. J'ai tout ce qu'il me faut pour tenir plusieurs jours : habits de rechange, médicaments, nourriture", détaille cette habitante.

Autour de la ville, la guerre a précipité dans la précarité les campagnes et leurs habitants. Larissa est une vétérane, revenue chez elle après deux ans et demi passés près du front. Elle craint de ne pas avoir les moyens de se chauffer pendant tout l'hiver. "Les prix ont énormément augmenté sur absolument tout, déplore-t-elle. Les produits, le chauffage, le bois. Absolument tout. Même les médicaments. Tout est devenu très cher. Les subventions que je reçois, qui sont très, très faibles, ne suffisent pas pour payer le gaz."
Dans l'âtre de son salon, un feu de briquettes livrées par une ONG réchauffe la pièce. À côté du portrait de son frère, tué au combat, Larissa espère pouvoir regagner des forces cet hiver. Au printemps prochain, elle compte retourner au front.