À Lyon, le dernier lycée musulman sous contrat joue sa survie devant la justice après une sanction préfectorale
L’audience de la dernière chance pour Al-Kindi. Le groupe scolaire d’enseignement privé musulman a déposé un recours devant le tribunal administratif de Lyon pour contester la suspension de son contrat d’association, a-t-il fait savoir. Celui-ci sera examiné le 10 mars prochain. Avec un enjeu vital pour cet établissement installé à Décines depuis 2007 et sous contrat avec l’État depuis 2012, la prise en charge du salaire de la quarantaine de professeurs (à hauteur de 1,6 million d’euros annuels) dépendant de cet agrément. La cagnotte lancée en ligne et réunissant à ce jour plus de 200.000 euros ne suffira pas à assurer sa survie.
La décision prononcée par la préfète au mois de janvier faisait suite à une commission académique de concertation tenue en décembre 2024. Les représentants de l’école s’y étaient vus reprochés «des manquements graves» aux obligations fixés dans le cadre du contrat passé avec l’État. Basé sur une inspection menée au printemps 2024, le mémoire préfectoral pointait par exemple la présence à la bibliothèque d’ouvrages prônant le djihadisme armé ou le viol conjugal. Il épinglait également des propos «contraires aux valeurs de la République» tenus par un enseignant sur sa chaîne YouTube.
Lors de leur visite en avril 2024, les six inspecteurs de l’Éducation nationale avaient aussi découvert un règlement intérieur jugé discriminatoire envers les jeunes filles. Leur rapport mentionnait enfin des lacunes importantes sur l’enseignement du conflit israélo-palestinien, les deux guerres du Golfe ainsi que les mémoires du génocide des juifs et des Tsiganes. La préfecture pointait par ailleurs une confusion dans l’utilisation des moyens financiers entre les classes sous contrat et celles hors contrat.
Des précédents à Nice et Lille
L’enseignant mis en cause pour ses propos en ligne avait été rapidement écarté et le règlement intérieur modifié, selon l’avocat d’Al-Kindi. Le lycée assurait aussi s’être conformé aux exigences de la préfecture avant même les cinq heures d’audiences de la commission de concertation académique du 12 décembre. Et de rappeler que le contrat du lycée avait jusqu’ici été renouvelé sans difficulté depuis plus de dix ans. L’établissement était d’ailleurs connu en région lyonnaise pour son taux de réussite de 100% au bac. Il avait trouvé des relais auprès du recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, et de deux députés LFI, dénonçant un «deux poids deux mesures» avec les établissements d’autres confessions.
Des arguments repris dans le recours déposé devant le tribunal administratif de Lyon, qui sera examiné le 10 mars prochain. «Au regard des mesures correctrices proposées par Al-Kindi à l’occasion de la commission de concertation, le groupe scolaire s’estime pleinement recevable dans sa demande de rétablissement du contrat d’association, indique-t-il. Alors que chaque jour illustre le traitement différencié entre le réseau éducatif musulman et des établissements privés sous contrats couverts jusqu’au plus haut sommet de l’État malgré des comportements pénalement répréhensibles, Al-Kindi demande à bénéficier d’une très exacte application de la loi».
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Al-Kindi espère une issue favorable, comme à Nice, où le tribunal administratif avait annulé l’été dernier la décision préfectorale de fermeture du collège musulman Avicenne, qui mettait en causse son financement. Le lycée Averroès de Lille n’avait quant à lui pas connu le même destin. Deux recours pour faire annuler la décision préfectorale de rupture du contrat d’association prononcée en 2023 pour des «manquements graves aux valeurs de la République» ont été rejetés, faisant d’Al-Kindi le dernier lycée musulman sous contrat de France. Une ultime requête sera d’ailleurs étudiée une semaine après celle d’Al-Kindi.