À chaque jour, sa tribune de chefs! Après l’appel paru jeudi dans Le Monde au retrait de la loi Duplomb, ce vendredi c’est un «cri d’alarme» que lancent dans Les Échos près de 70 cuisiniers - cumulant plus de 100 étoiles Michelin - sur l’état de la gastronomie française, demandant à l’État d’en faire, au même titre que le cinéma ou la musique, «une exception culturelle française».
Les signataires de ce texte réunis par le think tank gastronomique Le Passe, parmi lesquels figurent Anne-Sophie Pic, Hélène Darroze, Stéphanie Le Quellec, Nadia Sammut, Yannick Alléno, Alain Ducasse, Philippe Etchebest ou encore Adrien Cachot s’inquiètent face au risque de fermeture de nombreuses tables indépendantes.
Passer la publicitéAprès avoir souligné le rôle de «soft power, pilier de notre culture et emblème de nos régions» de la gastronomie française, et les efforts du secteur pour améliorer la qualité de vie de ses salariés ainsi que pour embrasser «le tournant de l’alimentation durable et de la transition écologique», la tribune déplore l’accumulation de contraintes «réglementaires, administratives, sociales, fiscales» qui pèsent sur la restauration. Et de citer le plafonnement de la prime Macron, le recul des aides à l’apprentissage, la soumission des pourboires à des cotisations patronales.
Soutien du «fait maison»
Les chefs réclament donc, en plus de la suspension de ces mesures qui leur permettent de «rémunérer dignement [leurs] collaborateurs engagés», un soutien accru au «fait maison» (via un régime plus favorable que celui des industriels et restaurateurs servant du prêt à consommer) ainsi qu’un renforcement de l’éducation alimentaire dès l’école. Et ce afin d’éviter «la disparition de notre modèle, celui d’une cuisine d’auteurs, face à la concurrence désolante des industriels de la malbouffe, en supermarché ou au fast-food».
«C’est un événement que la communauté des grands chefs soit unanime pour défendre le métier de cette façon», a souligné à l’AFP Laurent Guez, chroniqueur culinaire et fondateur du Passe. Si la gastronomie est inscrite depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, aujourd’hui, c’est «l’industrie qui prend le pas sur l’artisanat», déplore Christopher Coutanceau, signataire de la tribune, qui se «bat» notamment «depuis des années» pour «l’obligation» d’avoir un diplôme de service ou de cuisine pour pouvoir ouvrir un restaurant. Autre signataire, la chef Fanny Rey résume à l’AFP l’inquiétude partagée par la profession: «La gastronomie française, c’est une promesse de lien, de beauté, de travail bien fait. Aujourd’hui, elle vacille. Si nous ne la protégeons pas, elle se taira dans le silence des tables qui ferment.»