REPORTAGE. "Pour développer l'entreprise, on a besoin de financements" : en Ukraine, l'exploitation de terres rares au ralenti depuis le début de la guerre

Un accord sur les terres rares est à nouveau au menu des discussions entre l'Ukraine et les Etats-Unis, vendredi 11 avril. Une délégation ukrainienne est attendue à Washington pour tenter d'avancer sur cet enjeu majeur de la relation entre les deux pays. L'Ukraine possède 21 des 30 substances que l'Union européenne définit comme des "matières premières critiques", soit environ 5% des réserves mondiales.

La plus grande mine de graphite se trouve dans le centre du pays, à Zavallya. Depuis le début de la guerre et malgré la forte demande internationale, la production est en berne.

La roche couleur ocre est creusée, en escaliers. Au fond, un lac vert, artificiel. "Ici, nous exploitons sur 120 hectares", explique Igor Semko, le directeur. Plus de sept millions de tonnes de graphite dorment sous ses pieds. Le précieux minerai est utilisé notamment pour les batteries électriques et les plaques des gilets pare-balles.

"Il faudrait tout raser et construire une nouvelle usine"

Quelques camions passent, bennes chargées. Le graphite est ensuite traité dans une usine dont la construction remonte à l'époque soviétique. C'est Valentina qui s'en occupe : "Nous déterminons la qualité du graphite. La meilleure sorte c'est le RAK, grâce à son enrichissement chimique." Quand elle déplie les petits sachets en papier, la poudre noire et brillante colle à ses doigts.

Valentina est chargée d'analyser la qualité du graphite. (GILLES GALLINARO / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Valentina est chargée d'analyser la qualité du graphite. (GILLES GALLINARO / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Valentina fait partie des 90 employés. Ils étaient 250 avant la guerre. Mais désormais la mine tourne au ralenti, entre coupures de courant et manque d'argent, détaille Igor Semko : "Pour développer l'entreprise, on a besoin de financements. L'entreprise a été bâtie dans les années 60 et elle consomme beaucoup d'électricité. Aujourd'hui, entre 40 et 50% du coût de production, c'est de l'énergie électrique. Il faudrait tout raser et construire une nouvelle usine."

L'usine de production de graphite date de l'époque soviétique dans les années 60. (GILLES GALLINARO / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
L'usine de production de graphite date de l'époque soviétique dans les années 60. (GILLES GALLINARO / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Trump va tout prendre, sans rien demander à personne"

Pour cela, un accord avec les Etats-Unis serait bienvenu : si les Américains veulent exploiter, ils mettront l'argent nécessaire, veut croire le chef d'entreprise qui reste méfiant : "Bien sûr on ne fait pas confiance, comment faire confiance ? Les juristes et les politiques doivent travailler sérieusement sur cet accord. Si les investissements américains arrivent, ET l'Ukraine ET les Etats-Unis vont en bénéficier. Ce sera 50-50. Moi je suis pour."

En ville, son optimisme n'est pas unanimement partagé. Fédor a travaillé à la mine pendant 26 ans : "Trump va venir et il va tout prendre, sans rien demander à personne. Pour se rembourser des dettes de Zelensky." La ville, construite en grande partie pour l'exploitation du graphite, est déjà en déclin. À l’époque soviétique, plus de 2 000 personnes étaient employées dans cette mine.

Reportage à Zavallya de Faustine Calmel, Gilles Gallinaro et Yashar Fazylov