Notre critique de 28 ans plus tard, la fureur de survivre

En 2002, seuls les puristes font la fine bouche. Les créatures de 28 jours plus tard courent trop vite pour être considérées comme des zombies. En effet, les « infectés » de Danny Boyle n’ont pas le pas lourd ni l’œil vitreux des morts-vivants de Georges A. Romero, père du zombie moderne au cinéma (La Nuit des morts-vivants, Zombie…). Ils sont enragés, les yeux injectés de sang, victimes d’une souche virale expérimentée sur des chimpanzés, cobayes de laboratoire libérés par un commando d’activistes défenseurs de la cause animale. Ils contaminent le public et confortent le statut de Boyle, réalisateur anglais déjà apprécié pour son mauvais esprit.

Après Petits Meurtres entre amis, Trainspotting et La Plage (avec Leonardo DiCaprio), déjà sur un scénario d’Alex Garland, Boyle prend alors tout le monde à contre-pied en tournant un film d’horreur au budget ridicule (8 millions de dollars), en numérique, dans un style proche du documentaire. Dans 28 jours plus tard, Jim (Cillian Murphy), livreur à bicyclette plongé dans le coma après un accident de la circulation, se réveille dans un hôpital de Londres et découvre avec stupeur un monde dévasté. Une vision postapocalyptique que les deux décennies écoulées, entre pandémie mondiale, guerres et catastrophes écologiques, rendent de plus en plus crédibles.

La saga retrouve son ADN

La suite, 28 semaines plus tard, en 2007, est confiée au réalisateur espagnol Juan Carlos Fresnadillo. Le virus, contenu au Royaume-Uni, traumatise toute une population. La science-fiction tire vers le drame familial à travers un jeune veuf endeuillé par la perte de sa femme, victime d’une attaque d’infectés. Ce second volet est plus conforme aux canons du blockbuster international. Avec 28 ans plus tard et le retour aux commandes de Danny Boyle, toujours secondé par Alex Garland, la saga retrouve son ADN, tout en parvenant à surprendre.

Le Royaume-Uni est toujours en quarantaine. En Écosse, un village insulaire se protège des infectés et survit malgré la rareté des ressources (eau et bacon sont rationnés), séparé du reste du monde par une digue praticable uniquement à marée basse. Un père (Aaron Taylor-Johnson) emmène son fils de 12 ans, Spike, à sa première partie de chasse. Un rite de passage viril où il s’agit de tirer à l’arc pour tuer des « rampe-lent », créatures en surpoids mangeurs de vers de terre, et des infectés. Cette escapade sur le continent ressemble à une énième variation sur un père et un fils dans un monde hostile.

Déjouer la surenchère

Mais Boyle et Garland quittent assez vite les chemins balisés du film survivaliste. Spike prend le parti de sa mère, Isla (Jodie Comer), alitée et atteinte d’un mal indéfini. Le diagnostic sera posé par Ralph Fiennes (chauve et sans la barbe d’Ulysse), médecin solitaire qui brûle les corps des défunts pour ériger un mausolée de crânes et d’os, un « memento mori ». Comment oublier la mort dans ce monde inhumain ? Elle advient aussi par la maladie la plus banale qui soit, belle idée du scénario qui déjoue la surenchère spectaculaire – les morts par décapitation finissent au contraire par laisser indifférent. Une infectée, enceinte jusqu’aux dents, est l’autre figure féminine de cet univers masculin. On aurait presque envie de la prendre dans les bras. Presque.

Plus que le Covid-19, épidémie bien réelle qui a donné des airs de fin du monde aux trois quarts de la planète en 2020, le Brexit affleure sous le tas de cadavres. Boyle met en scène une île repliée sur elle-même, une communauté coupée du reste du monde, considéré comme un territoire dangereux. Un confinement volontaire et complaisant, signe d’un retour à une société primitive.

28 ans plus tard clôt une trilogie en même temps qu’il en amorce une nouvelle. La rencontre entre Spike et la bande de voyous en survêtements, avatars des droogies d’Orange mécanique, promet un avenir rageux.

« 28 ans plus tard » , de Danny Boyle. Avec Aaron Taylor-Johnson, Jodie Comer, Alfie Williams, Ralph Fiennes. Durée : 1h55.

L’avis du Figaro : 3 étoiles sur 4.