REPORTAGE. Espagne : l'indépendantiste Carles Puigdemont joue son destin politique lors des élections de dimanche en Catalogne
Près de 5,7 millions de Catalans sont appelés aux urnes dimanche 12 mai pour élire leurs députés. Et pour la première fois depuis près de 15 ans, les indépendantistes pourraient perdre leur majorité. Le président sortant Pere Aragonès, n’a pas un mauvais bilan mais il a été éclipsé par Carles Puigdemont. L’homme du référendum illégal de 2017 sera bientôt amnistié mais il est encore en exil et a fait campagne depuis Argeles-sur-Mer, près de Perpignan dans les Pyrénées-Orientales.
Des centaines d'indépendantistes ont traversé la frontière pour assister au meeting de leur héros. Carles Puigdemont a installé son QG dans la salle de spectacle d'Argelès-sur-Mer. Monica Salas est l'une de ses soutiens : "La Catalogne Nord c’est chez nous ! Elle a toujours très bien accueilli Carles Puigdemont. Et donc on est ici pour préparer le retour imminent du président au pays !", scande-t-elle.
Pas encore amnistié, Carles Puigdemont a mené sa campagne à distance. Mais en quittant Bruxelles pour les Pyrénées-Orientales, il a repris contact avec ses électeurs. "Ça fait six ans et demi qu’on fait des campagnes électorales depuis l’étranger. Mais c’est la première fois que je peux le faire en présentiel, souligne le candidat indépendantiste. C’est vrai qu’on est de l’autre côté de la frontière. Mais cette frontière s’est effacée et cette sensation d’être en contact direct avec les gens, en face à face, c’est très réconfortant !"
Un discours plus modéré
Sur scène, l’homme qui a organisé le référendum illégal de 2017 joue la carte de la nostalgie et se présente comme celui qui a été capable de défier Madrid : "Ils voulaient qu’on se résigne, ils voulaient nous faire peur, nous endormir, ils voulaient qu’on abandonne. Mais, ce jour-là, on les a vaincus. Et ils ne l’ont toujours pas digéré, assure-t-il avant d'ajouter : On ne se laissera pas gouverner depuis Madrid ! Parce que nous ne sommes pas une succursale, nous ne sommes pas une région. Nous sommes une nation, une nation millénaire !" Mais sur le fond, Carles Puigdemont a modéré son discours et ne promet plus l’indépendance pour demain.
Pour ses soutiens, le voyage à Argelès-sur-Mer a des airs de pèlerinage. "Pour moi, c'est le meilleur, le meilleur président qu'on puisse avoir, assure une femme qui le soutient. J'ai l'espoir de pouvoir faire une photo avec lui, parce que je l'aime !" "C'est mon président, complète une autre, c'est la personne la plus importante de ma vie."
"On n'est plus en 2017"
Mais Carlos Puigdemont n’est pas le favori de ces élections. Selon les sondages, il devrait arriver en 2e position, derrière le candidat socialiste. À Barcelone, tout le monde n’attend pas forcément son retour et la fièvre indépendantiste est retombée, explique Albert Segura, documentariste : "Il y a une fatigue du conflit, on n'est plus en 2017, 2018 ou 2019, où on attendait un retour du président avec des manifestations... Ce n'est plus le cas, on est dans une autre étape."
"Il y a une partie très importante des indépendantistes qui se sentent trahis, qui ne font plus confiance ni à Carles Puigdemont, ni à tout le reste de sa génération politique qui était au pouvoir en 2017."
Albert Segura, documentariste catalanà franceinfo
C’est le socialiste Salvador Illa qui a fait la course en tête dans les sondages. Ce philosophe de formation veut tourner la page de la crise catalane : "Ils se sont trompés de priorités ! Résultat, en dix ans, on a reculé. Il y a une sécheresse et on n’était pas préparés à l’affronter. En éducation, on est les derniers d’Espagne. Et puis l’insécurité s’est aggravée", liste le favori. Carles Puigdemont joue gros dimanche. S’il ne parvient pas à redevenir président de la Catalogne, il a annoncé qu’il quitterait la vie politique. Ces élections auront d'ailleurs une portée nationale, car si la gauche reprend le pouvoir aux indépendantistes, ce serait une immense victoire pour le Premier ministre Pedro Sanchez.