Un violon fabriqué par un prisonnier à Dachau identifié 80 ans plus tard

Appartenant au couple de marchand d’art hongrois Szandra Katona et Tamás Talosi, le « violon de l’espoir », a été fabriqué en 1941 par un prisonnier polonais du camp de Dachau. Cogito Art Gallery / Szandra Dr. Katona

Entreposé durant dix ans dans la commode de collectionneurs hongrois a été fabriqué par un ancien prisonnier du camp de concentration. Une inscription témoigne qu’il a été fabriqué « dans des conditions difficiles ».

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80 ans après la libération du camp de concentration de Dachau par les troupes américaines le 29 avril 1945, deux collectionneurs d’art hongrois, Szandra Katona et Tamás Talosi, ont découvert qu’ils étaient propriétaires d’un violon fabriqué par un ancien détenu, rapportent la chaîne de télévision Euronews et l’agence de presse américaine AP News.

« Tout a commencé de façon ordinaire », raconte Szandra Katona dans une interview sur sa chaîne Youtube. Après avoir entreposé le violon durant une dizaine d’années dans une commode, les deux marchands d’art ont souhaité le réparer et l’ont expédié chez un spécialiste du nom de Szabó Tomás. D’abord surpris par la piètre qualité du bois, le luthier a retrouvé une étiquette sur laquelle il était inscrit « K.L. Dachau ». Visible de l’extérieur de l’instrument, l’inscription suggérait qu’elle provenait du camp de concentration nazi.

En démontant l’instrument, Szabó Tomás a ensuite découvert un bout de papier où y était griffonnée la phrase suivante : « Instrument d’essai, fabriqué dans des conditions difficiles, sans outils ni matériaux. Dachau. Année 1941, Franciszek Kempa. » Le professionnel a alors appelé les propriétaires et leur a lu le message à haute voix. Szandra Katona avoue avoir versé quelques larmes à cette annonce : « Le luthier nous a contactés et nous a dit : vous savez ce que vous avez entre les mains ? Et il nous a lu l’inscription [...]Je n’arrivais pas croire que l’on possédait un tel objet ».

Sur le papier, on peut lire : « Instrument d’essai, fabriqué dans des conditions difficiles, sans outils ni matériaux. Dachau. Anno 1941, Franciszek Kempa. » Cogito Art Gallery/ Szandra Dr. Katona

Un instrument fabriqué par un luthier polonais

Il est très probable que le violon soit le seul instrument à cordes aujourd’hui conservé, entièrement fabriqué à l’intérieur du camp de Dachau. À partir des documents mis à leur disposition, les spécialistes pensent que les nazis savaient que Franciszek Kempa était luthier. Le collectionneur Tamas Talosi va même jusqu’à suggérer que c’est justement sa profession qui lui a permis de « survivre », contrairement aux 40 000 autres détenus morts de faim, de froid ou de mauvais châtiments. Selon les archives du musée du mémorial de Dachau, Franciszek Kempa a survécu aux camps de concentration et est retourné en Pologne après la guerre, où il a continué à fabriquer des instruments. Il est décédé en 1953. On ne sait pas pour autant comment le violon s’est retrouvé en Hongrie.

En hommage à son histoire, les deux propriétaires ont baptisé l’instrument. « Nous l’avons appelé le "violon de l’espoir" parce que si quelqu’un se retrouve dans une situation difficile, le fait d’avoir une tâche à accomplir ou un défi à relever l’aide à surmonter beaucoup de choses », raconte le marchand d’art Tamás Tálosi. Selon Radio Classique, les deux propriétaires hongrois sont actuellement en négociation pour que le violon soit temporairement exposé au musée de l’holocauste de Dachau.

Le fabricant du violon, Franciszek Kempa (ou Franz), a fabriqué le violon a l’intérieur du camp. Après guerre, il est retourné en Pologne et s’est éteint en 1953. Cogito Art Gallery / Szandra Dr. Katona