Petite enfance : seulement 408 crèches sur 20 000 contrôlées en France, alerte la commission des Affaires sociales du Sénat

Argent public détourné, prise en charge low-cost des bébés par des établissements obéissant aux seules logiques de rentabilité allant jusqu’à faire des économies sur la nourriture et les couches avec comme conséquence la maltraitance manifeste des enfants et du personnel… Les révélations du journaliste Victor Castanet dans son ouvrage, paru en septembre 2024, Les ogres, ont eu pour effet la mise en place, le mois suivant, d’une « mission d’information flash », par la commission des Affaires sociales du Sénat.

Les trois parlementaires mandatés pour la mener, Laurence Muller-Bronn (LR), Olivier Henno (UDI) et Émilienne Poumirol (PS) ont rendu leurs conclusions ce jeudi 20 mars. Leur constat est sans appel : les crèches sont mal et trop peu contrôlées en France. Et lorsqu’elles le sont, les normes et les aspects administratifs sont, la plupart du temps, priorisés par rapport à la qualité de l’accueil des enfants et aux conditions de travail des personnels.

Un contrôle anarchique

Seuls 408 établissements sur près de 20 000 existant, sans compter les Maisons d’assistants maternels (MAM), ont reçu la visite d’une structure de contrôle en 2023. L’organisation de ces inspections semble par ailleurs complètement anarchique. Elles sont nombreuses dans certains territoires, comme dans le Maine-et-Loire, par exemple, mais inexistantes dans d’autres départements.

De plus ces inspections sont réalisées à de multiples niveaux. Diligentées en principe par les Caisses d’allocations familiales (CAF) pour ce qui est du contrôle financier, elles peuvent l’être par d’autres services de l’État, comme l’inspection du travail, la répression des fraudes et les services vétérinaires et par la Protection maternelle et infantile (PMI), censée vérifier les questions de sécurité et d’encadrement des enfants.

Et « c’est à ce niveau que se situe l’essentiel du problème, en raison notamment du manque de personnel », a pointé le centriste Olivier Henno, précisant que les « effectifs des PMI ont diminué de 400 équivalents temps plein en dix ans, alors que leurs missions se sont multipliées. » Et ce n’est pas nouveau puisqu’en 2022, déjà, la Caisse nationale des affaires familiales (Cnaf) révélait que la moitié des crèches collectives manquaient de professionnels, évoquant jusqu’à 1 000 postes vacants à Paris.

Une « crise de la petite enfance » récupérée

Les trois sénateurs se sont, par ailleurs, entendus sur une quinzaine de recommandations allant d’une plus grande place faite aux parents dans la vie des crèches, en passant par plus de transparence sur le résultat des inspections effectuées et par le renforcement de la formation des agents.

Il y a en tout cas urgence à agir et à ne pas laisser le champ libre aux tentatives de récupération, par l’extrême droite, de cette « crise de la petite enfance. » La députée UDR, Christelle D’Intorni, soutenue par le Rassemblement National, n’a, par exemple, pas hésité à se faufiler dans la brèche en déposant, ce mardi 19 mars, une proposition de loi sur le sujet.

« Le texte impose 60 % de professionnels diplômés et un ratio de 1 adulte pour 4 enfants, alors que les crèches peinent déjà à recruter, a alerté, à son sujet, le Syndicat national des professionnels de la Petite enfance (SNPPE). Sans revalorisation des salaires ni plan massif de formation, cette annonce est purement démagogique et inapplicable… à moins de vouloir, en réalité, réduire l’offre d’accueil et renvoyer les femmes au foyer. »

Un constat partagé par le collectif Pas de bébé à la consigne qui appelle, pour sa part, à « une indexation des salaires (des professionnels de la petite enfance) sur le coût de la vie et à une convergence du reste à charge pour les familles, quel que soit le mode d’accueil. »

Mais pour l’heure, ces actions concrètes et financées, urgemment attendues de la part de gouvernement, ne sont pas à l’ordre du jour.

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