Les montres rares de l’éminence grise de Monaco aux enchères chez Artcurial

Rares sont ceux à avoir entendu parler de lui. Et pourtant, Pierre Rey aura été des décennies durant l’homme de l’ombre, le conseiller fidèle de la Principauté de Monaco. Il aura fallu que ses descendants proposent trois de ses montres à Artcurial pour que son histoire et son rôle soient soudain remis en pleine lumière. Conseiller privé du Prince Rainier III, administrateur des biens de la Principauté et ancien président de la Société des Bains de Mer, Pierre Rey fut l’un des artisans de la modernisation de Monaco dans les années 1950. Discret mais influent, il joua jadis un rôle clé dans la transformation économique et culturelle du Rocher, par exemple dans la conservation du contrôle de la SBM par la famille princière face aux ambitions d’Aristote Onassis, en 1953. Disparu en 1968, Pierre Rey aura ainsi été pendant de nombreuses années la confiance des princes de Monaco.

Comment ces montres reflets d’une vie de pouvoir sur la Côte d’Azur, sont-elles parvenues jusqu’aux enchères ? « Comme souvent, j’ai reçu des photos de montres, il y a à peu près six mois, se souvient Geoffroy Ader, l’expert de cette vente historique. En voyant cette montre pièce de monnaie Cartier, j’ai voulu savoir qui se trouvait derrière une pièce aussi exceptionnelle. Je voulais connaître sa provenance. J’ai ainsi pu rencontrer les descendants de Pierre Rey qui m’ont expliqué que leur grand-père, français d’origine, avait été le conseiller du Prince. Il était déjà le conseiller de Louis II pendant la guerre, et l’administrateur des biens du Prince. Il a connu Rainier adolescent. Lorsque celui-ci a accédé au trône à la mort de son oncle, il lui a très logiquement demandé son aide. Nous avons d’ailleurs une photo absolument magique, dédicacée « à mon ami, le père Rey ». C’était vraiment son mentor, celui qui était là, à ses côtés. Il faut imaginer qu’en 1949, après la guerre, le Monaco d’alors n’avait pas grand chose à voir avec celui d’aujourd’hui. Au fond, toutes les photos que nous avons publiées dans le catalogue de cette vente résument l’aventure de Monaco. »

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Pierre Rey aux côtés du prince Rainier III, et sa montre Cartier unique. Artcurial
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Trois montres inédites aux enchères

Ces trois montres historiques inédites, conservées jusqu’ici dans la famille de Pierre Rey, sont révélées pour la première fois au public à l’occasion de cette session chez Artcurial, qui ouvre la saison des ventes horlogères de l’automne. Est ainsi proposée une Patek Philippe Heures Universelles Réf. 1415, dans une rare configuration dite «Pink on Pink» (or rose et cadran rosé), (est. 100 000 – 200 000 €), l’un des tout premiers modèles à proposer la lecture simultanée de l’heure dans les grandes capitales du monde. Mais aussi une Patek Philippe Calendrier Perpétuel Réf. 1526 (est. 400 000 – 800 000 €), dans sa très précieuse variante “Big Arabic”. Il s’agit de la première montre-bracelet à calendrier perpétuel produite en série par la manufacture genevoise. Seulement trois exemplaires de cette version sont connus à ce jour, dont un seul conservé au Patek Philippe Museum.

Deux rarissimes créations horlogères signées Patek Philippe. Artcurial

Vient enfin une montre à secret Cartier Pièce de Monnaie, (est. 200 000 – 400 000 €) unique en son genre, une commande spéciale réalisée pour Pierre Rey. À l’intérieur d’une pièce gravée à l’effigie du Prince Rainier III datée de 1950, Cartier a dissimulé un mouvement horloger dans un écrin de joaillerie raffinée. « Cette Cartier est tout simplement extraordinaire, car elle symbolise tout ce qui fait l’essence de la marque, roi des joailliers, et joaillier des rois, résume Geoffroy Ader. La symbolique de la pièce est imposante : frapper monnaie, c’est la souveraineté d’un pays. Quant aux deux Patek Philippe, elles sont typiques des modèles produits pour le marché français, avec à l’intérieur du boîtier un marquage spécial pour l’importation en France « Fab. Suisse » et l’apposition du poinçon tête de hibou. Des trésors horlogers comme ceux-ci sont extraordinaires. Ce sont des pièces magiques, on n’en voit pas tous les jours. Tout est aligné : une Heures du monde inconnue du marché, une réf. 1526 tout aussi inconnue et une montre Cartier unique. C’est pour cela que j’ai voulu les laisser dans leur contexte historique, dans la continuité de ce que nous avions fait l’année dernière avec la montre du Général de Gaulle. C’est un hommage à la principauté et à cet homme de l’ombre, un des artisans du succès de Monaco. » Ces trois pièces horlogères uniques ont donc été incluses dans un catalogue de montres de personnages historiques, aux côtés de la Rolex de Paul Reynaud. « Je me suis dit que nous devions sortir des sentiers battus et vendre ces montres en tant des souvenirs historiques. On peut ainsi parler de marques, de complications, mais surtout de la provenance qui, pour moi, fait tout. C’est l’élément le plus important, un véritable voyage à travers le temps. Alors que la petite histoire rejoint la grande, j’aimerais que ces montres reviennent en principauté. »