« Rien ne justifiait cette tuerie et cette fracture » : au Liban, 50 ans après la guerre civile, l’avertissement des anciens ignoré par les jeunes générations

Beyrouth (Liban), correspondance particulière.

« Les sons, les odeurs, les images, tout est gravé à jamais dans ma mémoire. Je revois la scène comme si je l’avais vécue hier, dans ses moindres détails… mais j’espère ne jamais la revivre. » Installé sur une chaise basse devant sa petite épicerie de quartier, Sarkis raconte, le regard vague, les « incidents » du 13 avril 1975, qui ont déclenché la guerre civile du Liban. Cinquante ans après les souvenirs sont intacts.

« Lorsque les tirs ont éclaté vers 10 heures, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre : ”les Palestiniens nous envahissent”, se souvient cet octogénaire à la voix enrouée. Les jeunes accouraient de partout, les armes à la main. Quand le silence est retombé, une odeur âcre de poudre me piquait les narines. Les tirs ont duré une vingtaine de minutes. Quand j’ai débouché dans la rue, je suis resté immobile, comme cloué au sol. La scène ressemblait à un champ de bataille, les voitures, les murs, les devantures des magasins étaient criblés de balles. Des débris de verre recouvraient le trottoir. Des...