Alerte rouge aux inondations dans le Pas-de-Calais : pourquoi les rivières débordent-elles de nouveau ?

Le nord de l’Hexagone vit ses premiers jours de l’an les pieds dans l’eau. La situation est alarmante dans le Nord et surtout dans le Pas-de-Calais, classé par Météo France en vigilance rouge «crues» mardi après-midi, alors que 15 litres d’eau sont tombés au mètre carré dans la nuit de lundi à mardi dans ce département. L’organisme évoque une «pluie continue et durable» sur la zone. Les cumuls de pluie pourraient atteindre des valeurs de 20 à 40 mm sur plusieurs zones du département, dépassant localement 40 mm, prévoit encore Météo France .

Ces pluies fortes et abondantes perturbent les rivières, qui sont scrutées avec inquiétude par les habitants comme par les autorités. Huit cours d’eau sont placés en alerte orange «crues» dans le Nord et le Pas-de-Calais. Des risques de «débordements importants» dans les «prochains jours» sont à craindre à proximité de plusieurs rivières, la Liane, la Hem, l’Aa (classé en vigilance rouge «crues» par le site d’informations Vigicrues), la Lys amont-Laquette, la Lawe, La Clarence amont, la Lys Plaine et la Canche, écrit encore Vigicrues .

Les sols saturés d’eau depuis novembre

Une situation «exceptionnelle» qui s’explique par plusieurs facteurs, réagit Adam Beernaert, directeur général de la Protection civile dans le Pas-de-Calais. «Il pleut beaucoup, dans des délais très courts», détaille-t-il, sur des sols saturés d’humidité qui peinent à dégorger depuis les crues records du 6 novembre. Le Pas-de-Calais est victime de fortes inondations depuis maintenant deux mois. Ces crues exceptionnelles, qui avaient fait cinq blessés légers dans le département, ont causé d’importants dégâts matériels : 6000 habitations, 160 commerces, 130 entreprises et des dizaines d’exploitations agricoles avaient été touchés par les intempéries.

Les nappes phréatiques «sont donc pleines d'eau» et débordent aux premières pluies : les eaux en surplus ruissellent vers les cours d’eau de la région, peu nombreux, qui débordent presque automatiquement. La géographie naturelle doit également être prise en compte : le département du Pas-de-Calais est plat. Le cours d’eau de l’Aa dans l’Audomarois (dans le nord-est du département) est même dix mètres en dessous du niveau de la mer, ce qui entrave l’évacuation des eaux, qui s’écoulent peu vers la mer du Nord. Dans cette région, l’Aa est en crue et inondait en début de semaine certaines rues des communes de Wizernes et de Blendecques. En parallèle, les marées à fort coefficient peuvent pousser les eaux des rivières dans le sens opposé à leur descente : l’eau rentre dans les terres, au lieu de se jeter dans la mer.

Les systèmes d’évacuation des eaux peinent à tenir le coup face à de telles intempéries. «Les pompes et les digues ne sont pas calibrées pour endiguer des conditions climatiques si exceptionnelles», ajoute Adam Beernaert. «Pour tenir le coup, il faudrait élever de trois mètres les digues de franchissement d’eau sur les rivières qui sont actuellement à deux mètres dix», précise-t-il, «mais je ne suis pas sûr que ce soit au goût des habitants». Dans les faits, les bassins de rétention, qui «sont pleins en permanence», débordent dès les premières gouttes de pluie. Les plus gros cours d’eau sont en crue en moyenne un à deux jours après les premières précipitations «et font à leur tour déborder les rivières et les fleuves».

«Evacués six fois en deux mois»

Des débordements qui mettent à rude épreuve le moral des habitants du département. «On sent de la colère et de l’épuisement », déplore Adam Beernaert, «avec des locaux qui ont été évacués cinq à six fois en deux mois». Certains avaient été relogés dès les premiers jours de pluie en novembre et n'avaient toujours pas remis les pieds dans leurs habitations aux premiers jours de 2024. Les murs des maisons n’ont pas le temps de sécher, les fondations des maisons s’érodent, l’eau et l’électricité sont coupées depuis deux mois dans certaines habitations.

Depuis le 6 novembre, 1200 bénévoles de la protection civile sont mobilisés dans le Pas-de-Calais pour assister les sinistrés, et 520 interventions ont été faites. «On est sur le pont en permanence depuis deux mois», explique le directeur. Une mobilisation qui est loin de diminuer : au vu des précipitations attendues sur le département en début de semaine, «les crues ne peuvent que s'aggraver», s'alarme Adam Beernaert.