TEMOIGNAGE. "Ils m'ont terrorisée" : emprisonnée par l'armée russe pendant six mois, cette jeune soldate ukrainienne raconte sa détention

La Russie a transmis à l'Ukraine une liste de 1 000 prisonniers de guerre. C'est ce qu'a annoncé le Kremlin, jeudi 22 mai, cité par l'agence de presse russe Interfax. Un échange entre Kiev et Moscou a été décidé lors de la rencontre en Turquie, la semaine dernière. Alors qu'il y a trois ans presque jour pour jour, la ville de Marioupol, en Ukraine, tombait aux mains des Russes, franceinfo a pu rencontrer une jeune soldate, Natalia, qui a vécu ce siège et passé six mois dans les geôles russes, avant d'être échangée.

Natalia avait 21 ans au moment du siège de Marioupol. Elle en a 25 aujourd'hui. Envoyée dès les premiers jours de la guerre dans la ville martyre, son unité de la 36e brigade de marines se retrouve encerclée par l'armée.

À l'unanimité, son groupe décide de tenter une percée, celle de la dernière chance : "On était dans le bunker avec ma sœur d'armes, étendues à même le sol. Je ne pouvais pas retenir mes larmes et elle me dit : 'Qu'est-ce que tu as ? N'aie pas peur, tu sais, moi, je vais mourir à 90 ans !' Et je lui réponds : 'Moi je suis trop jeune pour mourir, je dois me marier et avoir des enfants.' Alors elle me dit : 'Ne t'inquiète pas, ça ne sera pas pour nous aujourd'hui'. Et on est sorties pour l'assaut."

"Vas-y, écris ! Accepte la nationalité russe"

Le 12 avril 2022, Natalia est faite prisonnière, aux côtés de 1 600 frères d'armes. La suite est un cauchemar. La jeune femme mettra deux ans avant de pouvoir en parler. Un jour, l'administration pénitentiaire russe lui permet d'écrire une lettre à sa famille, mais elle l'écrit en Ukrainien. Trois hommes du FSB, les services secrets russes, la mettent alors à l'écart dans une cellule : "Ils m'ont terrorisée pendant 40 minutes, peut-être une heure… 'Vas-y, écris ! Accepte la nationalité russe.'"

"Je leur ai répondu : 'Ma mère vit en Ukraine, mon père vit en Ukraine et moi aussi. Nous sommes Ukrainiens alors on parle ukrainien.'"

Natalia

à franceinfo

Natalia, qui n'arrive pas aujourd'hui à se faire à une vie normale, ne s'attarde pas sur les mauvais traitements qu'elle a subis. Mais elle a encore aujourd'hui des pertes de mémoire : "Une année après notre libération, une des filles m'appelle pour le jour de l'Indépendance. Elle me dit : 'Tu te rappelles comment on a chanté l'hymne ukrainien ce jour-là en prison ?' Je ne m'en rappelle pas. 'Mais comment tu as pu oublier ? Tu étais toujours la première à commencer !'"

Aujourd'hui, Natalia essaie de se reconstruire. Elle occupe un poste administratif "ennuyeux", selon ses mots, au sein de l'armée et dit attendre la libération de tous ceux qui ont été faits prisonniers avec elle à Marioupol, il y a trois ans. Ils seraient encore plusieurs milliers.