La tentative d’assassinat de Donald Trump, «cristallisation d’un climat délétère» aux États-Unis

Deux tentatives d’assassinat en l’espace de deux mois : fait exceptionnel ou résurgence d’une violence politique ? Dimanche 15 septembre, des coups de feu ont été tirés à proximité du terrain de golf où Donald Trump jouait en Floride. Si son équipe de campagne a précisé que le candidat à la Maison-Blanche était «sain et sauf», pour l'heure, le suspect a seulement été inculpé de détention illégale d'arme et de possession d'une arme au numéro de série effacé. 

Avec ce possible deuxième tentative d’assassinat, l’immixtion de la violence politique dans la société américaine interroge. Mais est-elle si inédite ou s’agit-il d’une résurgence d’une tendance plus ancienne ? Le Figaro fait le point avec Lauric Hennetonn spécialiste de l'histoire et de la civilisation américaines et maître de conférences à l'Université de Versailles-Saint-Quentin. Il est notamment l'auteur de Le rêve américain à l'épreuve de Donald Trump (Vendémiaire, 2020) et de Atlas historique des États-Unis (Autrement, 2019).

FIGARO. - Donald Trump a été la cible d’une tentative d’assassinat, et même peut-être de deux, en l’espace deux mois. Assiste-t-on à une escalade de la violence politique aux États-Unis ?

Lauric HENNETON. - Une tentative d’assassinat contre un candidat à la présidentielle est ce qu’il y a de plus visible. On serait tenté de qualifier l’événement d’inédit. Mais en réalité,il est peut-être la conséquence d’une cristallisation de quelque chose qui couve depuis longtemps. Avec l’hystérisation de la vie politique depuis l’arrivée de Donald Trump, on aurait pu s’attendre, à l’inverse, à davantage de passages à l’acte. 

La violence politique est déjà là, mais à un niveau local. En 2020 par exemple, la gouverneure du Michigan a échappé à une tentative d’enlèvement. Il y a également beaucoup de menaces et d'intimidations contre les juges à la Cour Suprême, du bord républicain ou démocrate. Mais aussi des alertes à la bombe dans l'Ohio (33 en l’espace de quelques jours depuis lundi dernier NDLR). Le climat est délétère mais cela passe un peu inaperçu à côté des tentatives d'assassinat de Donald Trump. Seulement une partie émergée de l'iceberg de cette violence politique est visible.  

Qu'est-ce que cela dit de la société américaine ?

La société américaine a toujours été plus ou moins encline à la violence. Il y a une violence armée que l’on peut quantifier, en se penchant par exemple sur le ratio entre le taux d’homicides et celui du port d’armes des habitants d’un pays à l’autre. En Suisse, où le port d’armes est autorisé, les passages à l’acte de type «homicide contre les autres» ou «suicide contre soi» son moins nombreux. Alors qu’aux États-Unis, le taux de suicides par arme à feu est assez inquiétant.  

Quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur la campagne présidentielle ?

Tout ce qui concerne Donald Trump est rapidement hystérisé. Surtout lorsque ce dernier se trouve dans une position difficile. Depuis le passage de témoin entre Joe Biden et Kamala Harris, la situation, qui lui était favorable, s’est renversée. Les sondages, les levées de fonds, l’enthousiasme, les bénévoles... Nous ne sommes plus du tout dans la même campagne. Donald Trump, qui gagnait sans rien faire, se retrouve dans une situation difficile où il faut qu’il paye de sa personne, en participant à des meetings, des podcasts, en mobilisant des donateurs. Dans ce contexte, Donald Trump pourrait mettre à profit ces tentatives d’assassinat. Elles alimentent la rhétorique du martyr et de la persécution à son encontre. 

Cependant, la colère n’est pas seulement dirigée contre Donald Trump, elle émane également de lui. Ses réactions sont très peu filtrées, contrairement à celle de Kamala Harris qui fait attention à tout ce qu’elle dit pour que cela ne soit pas mal interprété. Donald Trump s’attaque aux démocrates, il s’en prend à Taylor Swift. Il accuse les Haïtiens de manger des chiens et des chats (phrase tenue lors du débat Harris-Trump le 10 septembre dernier). Cela ne l’aidera pas forcément à convaincre les indécis. En tout cas, ce n’est pas ce que l’on attend d’un futur président des États-Unis, ni d’un homme de 78 ans.