«Des ZFE à l’extension du scrutin de liste paritaire aux petites communes, un même but : rééduquer les Français»
Matthieu Bloch et Bartolomé Lenoir sont députés UDR respectivement du Doubs et de la Creuse.
«On l’a fait !» Ainsi publiait sur X (ex-Twitter) Yaël Braun-Pivet lundi 7 avril quelques minutes après avoir annoncé le résultat du vote mettant fin à la liberté de panacher les votes et imposant la parité lors de l’adoption de la loi dite «d’harmonisation du scrutin municipal». Le pronom personnel ne doit pas faire illusion. Dans cette exclamation, le «on» est bien un «nous». D’ailleurs, à notre connaissance, très peu ont noté que la présidente de l’Assemblée nationale avait, à cette occasion, rompu avec la tradition imposant à la présidente de séance de ne pas prendre part au vote. Pour que cette tradition fût ainsi mise à mal, il fallait que Yaël Braun-Pivet fût mue par un principe qu’elle considérait comme supérieur, en l’occurrence la parité. Peu importait que dans nombre de villages, des dizaines de milliers de communes de moins de 1.000 âmes, le problème ne soit plus aujourd’hui de constituer des listes paritaires, mais de constituer des listes tout court. Et établir ce diagnostic ne s’avère en aucun cas méconnaître la cause des femmes et notamment les violences qui leur sont faites.
«Les moins riches, ils n’ont pas de voiture». Ainsi déclarait Agnès Pannier-Runacher, sur un plateau de télévision afin de défendre les ZFE. Puis, alors que l’un des deux auteurs de ces lignes l’interrogeait dans l’hémicycle sur ces zones à forte exclusion, elle pratiquait une inattendue inversion accusatoire et le taxait de déconnexion. En réalité, 93 % des ouvriers possèdent une voiture et l’ancienneté des véhicules des plus pauvres approche en moyenne les 14 ans, ce qui les exclut de facto de ces fameux périmètres désormais interdits. Quelques jours plus tard, elle accusait Alexandre Jardin d’être davantage intéressé par la promotion de son livre que par la situation des « gueux », dont il est aujourd’hui le héraut, procédé consistant à délégitimer un adversaire bien encombrant. Défi hors d’atteinte. Depuis plus de 25 ans, l’écrivain s’est distingué en favorisant la lecture partout sur le territoire national avec son association Lire et faire lire.
Entre l’extrême gauche et l’extrême centre, il n’y a ainsi pas une différence de nature, mais seulement une différence de degré. Le projet de société, la vision du monde, en réalité, s’avèrent les mêmesYaël Braun-Pivet et Agnès Pannier-Runacher – ne nous y trompons pas – ne sont pas déconnectées. Elles disposent de toutes les statistiques possibles. Elles ont reçu comme nous les appels téléphoniques de maires ulcérés par le changement du mode de scrutin municipal ou voient trop bien la montée de la colère suscitée par les ZFE. Mais elles poursuivent un dessein. Ce sont les opposants à leurs principes qui doivent s’incliner. Souvenons-nous de cette polémique sur les barbecues, de cet écoféminisme fustigeant ces hommes ruraux ou périurbains qui s’adonnent aux joies de la grillade sur feu de bois. Oui, il s’agissait bien de rééduquer ces hommes. Oui, il s’agissait bien de rééduquer ce monde rural qui mangerait mal, qui se déplacerait mal. Le texte sur l’harmonisation du scrutin municipal, loué par Yaël Braun-Pivet, et le maintien des ZFE, soutenu par Agnès Pannier-Runacher, poursuivent le même but : rééduquer, imposer le Bien.
Entre l’extrême gauche et l’extrême centre, il n’y a ainsi pas une différence de nature, mais seulement une différence de degré. Le projet de société, la vision du monde, en réalité, s’avèrent les mêmes. Il est vrai qu’en macronie, on lutte tant bien que mal contre la tentation de moquer les «gaulois réfractaires» ou «les gens qui ne sont rien». Dans Le président toxique, Étienne Campion nous apprend ainsi la colère du chef de l’État, pourtant lui-même adepte desdites saillies, contre sa ministre du Logement Emmanuelle Wargon qui avait «dérapé» en fustigeant le modèle de «la maison individuelle avec jardin, non-sens écologique, économique et social». En effet, à quelques mois de l’élection présidentielle de 2022, ce propos aurait pu avoir des conséquences plus graves pour le président sortant, s’il avait été mieux exploité. On a donc fait passer cette déclaration pour un «dérapage». Mais Philippe Muray ne nous a-t-il pas appris que «la gauche ne dérape jamais puisqu’elle est la glace» ? Cette glace, en effet, c’est le projet de société, celui qui rééduque ceux qui «fument des clopes et roulent au diesel», autre déclaration emblématique de Benjamin Griveaux, alors porte-parole du gouvernement, et qui avait servi d’étincelle dans l’émergence des «gilets jaunes», à l’automne 2018.
Ne la voit-on pas, cette entreprise de rééducation, partagée de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron ? Et si nous avions eu tort d’estimer que leurs alliances d’avril 2022 et de juillet 2024 étaient contre-natures ?Ne la voit-on pas, cette entreprise de rééducation, partagée de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron ? Et si nous avions eu tort d’estimer que leurs alliances d’avril 2022 et de juillet 2024 étaient contre-nature ? Et si, en réalité, ils partageaient ce rejet d’une certaine vision du monde, ce refus d’un certain mode de vie, cette soif de rééduquer ? Les ruraux votent mal ? Changeons le mode de scrutin municipal – et félicitons-nous au passage de l’éventuelle exclusion de leur candidate favorite ! Ils mangent mal ? Critiquons le barbecue patriarcal et multiplions les injonctions infantilisantes sur les cinq fruits et légumes par jour ! Ils se déplacent mal ? Excluons-les de nos métropoles ! Ils ne regardent pas C à Vous et préfèrent TPMP ? Supprimons C8 !
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L’aile gauche du parti Renaissance s’appelle Territoire de progrès et Agnès Pannier-Runacher en est une membre éminente. Territoire de progrès Tout un programme, n’est-ce pas ? Mais ledit «Progrès», celui que l’extrême gauche et l’extrême centre ont en partage, une majorité des Français en veut-elle ? Ce «Progrès» liberticide, une majorité des Français - les enracinés, les dépossédés, les oubliés – l’accepte-t-elle ? C’est l’un des enjeux de la prochaine élection présidentielle, peut-être même le principal.
Face à cette alliance – idéologique et électorale – entre l’extrême centre et l’extrême gauche, nous choisissons la liberté contre la rééducation ; nous préférons la cohésion nationale à l’affrontement que ces velléités liberticides préparent. Nous ne nous résignons pas à voir imploser le pacte républicain sous les coups de boutoir d’idéologues, certains d’incarner le Bien. La véritable alternance sera fraternelle, enthousiaste et optimiste, ou ne sera pas. Elle unira la grande majorité de Français, de la ruralité, du périurbain et des métropoles, qui aspirent à demeurer libres dans un pays souverain. Le général de Gaulle écrivait qu’il y avait un pacte multiséculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. Aujourd’hui, il faut avant tout redevenir libres pour être à nouveau grands.