Plus de décès que de naissances : pour la première fois en France depuis 1945, le solde démographique est négatif

La crise démographique s’accentue en France. D’après les données publiées par l’Insee, le nombre de décès vient de dépasser celui des naissances. Entre juin 2024 et mai 2025, 651 000 personnes sont décédées, contre 650 000 naissances. Le solde naturel devient ainsi négatif pour la première fois depuis 1945 : une bascule symbolique et inédite depuis la Seconde Guerre mondiale.

Si ce phénomène de « bascule démographique » était attendu, sa survenue plus précoce que prévu interroge les experts. « La surprise ce n’est pas tant que ce solde naturel soit négatif, c’est le moment où il l’est devenu, soulève Chloé Tavan, cheffe de la division enquête et études démographiques de l’Insee. Quand on a fait des exercices de projection de population, le scénario central prévoyait qu’on bascule en 2035. Là, on a dix ans d’avance. »

Un signal inquiétant, à confirmer toutefois dans les mois à venir. « Une barre symbolique a été franchie mais on attend de voir les chiffres de juin 2025 qui seront publiés la semaine prochaine, nuance Chloé Tavan. Mais on rentre de toute façon dans une nouvelle période avec un solde naturel négatif qui va ne faire que s’accroître. Ce n’est que le début. »

Baisse de la fécondité, hausse de la mortalité

Derrière ce solde négatif se cache « un double effet » : une baisse des naissances et à l’inverse, une hausse des décès. « Depuis 2010, les naissances ne font quasiment que baisser, souligne Chloé Tavan. Le plus surprenant c’est la persistance de cette baisse. »

En effet, en forte chute depuis 2023 avec une baisse de 6,6 %, les naissances accusent un nouveau recul de 4 % sur les cinq premiers mois de 2025 par rapport à la même période de l’année précédente.

Une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined), publiée le 9 juillet dernier, pointe une baisse marquée des intentions de fécondité chez les jeunes adultes : « La baisse des intentions de fécondité est beaucoup plus marquée pour les jeunes adultes de moins de 30 ans : le nombre total d’enfants souhaités a diminué de 0,6 enfant en moyenne en 20 ans. Il est passé de 2,5 à 1,9 enfant souhaité pour les femmes et de 2,3 à 1,8 pour les hommes. »

En parallèle, le taux de mortalité continue de croître depuis le début des années 2000. Une évolution liée au « vieillissement des personnes nées durant du baby-boom », note encore Chloé Tavan.

Un « réarmement démographique » au point mort

Cette évolution rapproche la France de ses voisins européens : en 2023, 21 des 27 pays de l’Union européenne affichaient déjà un solde naturel négatif. Et les conséquences à moyen terme pourraient peser lourd. « Cela aura un impact économique sur notre modèle de protection sociale, en diminuant mécaniquement le nombre de cotisants », avertit encore Chloé Tavan.

Jouant de ce constat, Emmanuel Macron avait appelé, début 2024, à un « réarmement démographique » du pays. Parmi les mesures annoncées : un plan de lutte contre l’infertilité et la création d’un congé de naissance, censé relancer la natalité, plus court mais mieux rémunéré que le congé parental actuel (456 euros par mois). Mais ce congé n’a toujours pas vu le jour et ne devrait pas être discuté avant le budget 2026, selon les engagements du gouvernement.

Or, la récente étude de l’Ined alerte sur l’urgence à comprendre les raisons du non-désir d’enfants, qui appellent des réponses politiques concrètes. « La fragilité de la politique familiale liée à l’affaiblissement des modes de garde et à la faible rémunération du congé parental peuvent aussi freiner les jeunes dans leur désir d’enfant », analysait début juillet Laurent Toulemon, démographe et directeur de recherche à l’Ined, co-auteur de l’étude.

Un tel recul sur le congé de naissance risque par ailleurs d’aggraver les inégalités salariales entre les sexes. En 2022, l’Insee a évalué à 40 % la perte de revenus pour les femmes précaires cinq ans après la naissance d’un enfant, contre 25 % pour les salariées du privé. Et en 2023, 94 % des bénéficiaires du congé parental étaient des femmes.

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